Bref, revenons à nous moutons broutant dans un champ de trêfles, comme chacun le sait ("Cloverfield", "champ de trêfles", tout ça... hum... enfin bon - j'aurai pas un peu trop abusé du lait-menthe moi ?). Je disais donc. Après une campagne marketing savamment orchestrée sur le net par l'ingénieux, et surtout très malin, J.J. Abrams, le créateur de LOST (un habitué du genre donc), le film a failli sortit dans un premier temps sous le titre pour le moins obscur de 01-18-08 (date de sortie américaine) ; une bande-annonce intrigante et un silence radio étant les seules éléments mis à notre disposition pour attiser notre curiosité grandissante. À ce sujet, et pendant que j'y pense, je vous propose tout d'abord d'y jeter un œil (à la bande-annonce) avant de poursuivre.
OK, alors on peut y aller. "Pourquoi est-ce que je fais cette disgression à deux balles ?" me chuchote-t-on dans le creux de l'oreille. Pour une raison très simple : un bon nombre de personnes ont été très déconcertés par le parti pris, extrêmement osé, du film. Certains ont même crié au scandale devant ce qu'ils estimaient être une sombre arnaque mal filmée ; à l'instar de cette bande de "wouech-wouech" demeurés huant le film et n'ayant visiblement rien capté au gros délire d'une heure trente qu'on vient de leur proposer...
Passons. Cloverfield, c'est quoi en fait ? Né de l'imagination de J.J. Abrams et du scénariste Drew Goddard (oui c'est garçon, non il n'a rien à voir avec Jean-Luc : les deux "d" en attestent), il s'agit tout simplement de l'une des choses les plus ahurissantes qu'on ait vues sortir de Hollywood depuis très longtemps !
Comme vous l'avez déjà compris, le film est intégralement tourné caméra au poing, exactement comme le serait une de ses nombreuses vidéos amateurs visibles sur Youtube. D'ailleurs, le film n'est accompagné d'aucune autre bande originale que celles émanant des enceintes que les protagonistes côtoient. Aller le voir en s'attendant à voir une resucée de Godzilla serait donc extrêmement naïf en plus d'être particulièrement stupide. Bien entendu, l'influence du monstre légendaire japonais (dont Roland Emmerich a joyeusement "pourri" le mythe) est certaine. En revanche, le traitement du film en est très différent. Ici, le divertissement est laissé de côté (même s'il existe aussi grâce à l'humour involontaire des réflexions de Hud : "le taré du métro" ! ^^) au profit d'une intense terreur primaire à dimension humaine et incroyablement éprouvante. On en ressort littéralement essoré. Voir Cloverfield au cinéma (ce que je conseille), c'est un peu comme s'enfiler une heure trente de Space Mountain (les queues interminables, les musiques entêtantes, les gosses braillards et la place à 50 euros en moins). Ça donne un peu la nausée, mais c'est plutôt jouissif... à condition de se laisser embarquer dans ce délire pour le moins original. Et là où ça aurait durer plus de deux heures ailleurs (un standard à Hollywood désormais), le réalisateur a eu ici le bon goût de "réduire" le trip à une petite heure trente. Une durée plus correcte pour ce spectacle stupéfiant qui, étendu sur une longueur inappropriée, aurait pu être lassant ; la caméra balladeuse (au centre de l'originalité et de la force émotionnelle du film) pouvant s'avérer assez éreintante.
Bien sûr, le film possède quelques petites imperfections et invraisemblances (à l'image d'un personnage qui se remet bien vite d'une blessure ou d'autres qui échappent miraculeusement à une mort assurée), mais il dépoussière le genre du film catastrophe et celui de film de monstres avec tellement d'audace et de maîtrise dans son propos qu'on lui pardonne aisément ces quelques ficelles scénaristiques. En outre, le film, qui est sans nul doute le plus désespéré qui nous a été proposé dans le genre depuis La Guerre des Mondes de Spielberg (à la réflexion, 28 semaines plus tard était pas mal aussi dans le genre), réussit brillament à ne pas être aussi frustrant dans sa conclusion qu'un Blair Witch Project (fallait bien que je le cite à un moment donné vu que tout le monde en parle...) grâce une astuce scénaristique - au demeurant pourtant toute bête - bien pensée. Un quasi exploit.
Enfin, pour les puristes, je tiens à faire une petite mise en garde. Si vous n'êtes pas du tout anglophone, mais que vous ne jurez tout de même que par la VO, réfléchissez bien avant quand même. D'une part, s'agissant d'un film "amateur", les sous-titres incrustés risquent de plomber un peu la pseudo authenticité du truc. D'autre part, l'image bouge tellement dans tous les sens par moment (eh, on n'est pas chez David Lynch hein !) que la lecture des sous-titres risquent de peser trop lourdement dans l'ambiance générale du film. Pour ma part, je crois que j'aurais peut-être trouvé le film insupportable si j'avais dû m'en acquitter... Question de goût après.
Terriblement éprouvant et incroyablement insolite, le film de Matt Reeves - qui ne ressemble véritablement à nul autre - est une expérience rare et, selon moi, immanquable !

New York 1997 de John Carpenter : la référence qui tue !
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PS : Restez bien attentifs à la fin...
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