Un soir, une vieille dame s'arrête dans un restaurant d'autoroute. Au comptoir du self, elle achète un bol de soupe chaude, puis s'installe seule à une table. En posant son plateau, celle-ci s'aperçoit alors qu'elle a oublié de prendre une cuillère.
Elle se lève et repart aussitôt en direction du comptoir, puis retourne s'asseoir à sa table. Revenant à sa place, elle trouve alors un jeune noir installé devant le bol qui trempe négligemment sa cuillère dans la soupe.« Quel sans-gène ce type ! » pense-t-elle alors. « Mais il n'a pas l'air méchant, alors ne le brusquons pas... »
« Vous permettez ? » lui dit-elle en tirant le bol de son côté. Son interlocuteur ne répond que par un large sourire. La vieille dame plonge alors sa cuillère dans la soupe et commence à manger.
Le jeune noir retire ensuite un peu le bol vers lui et le laisse au milieu de la table. À son tour, il plonge sa cuillère et mange, mais avec tant d'amabilité dans le geste et le regard qu'elle le laisse faire, désarmée. Ils mangent ainsi à tour de rôle pendant de longues minutes. La vieille dame est totalement décontenancée.
La soupe terminée, le jeune noir se lève, lui fait signe de ne pas bouger, et revient avec une abondante portion de frites qu'il pose au milieu de la table avant de l'inviter généreusement à se servir. Elle accepte et ils partagent les frites. Puis il se lève pour prendre congé avec un grand salut de la tête et prononce son premier mot : « Merci ! »
La vieille dame reste un moment pensive puis songe à s'en aller. Lorsqu'elle reprend enfin ses esprits et qu'elle veut attrapper son sac à main pour partir, elle découvre alors qu'il n'est plus accroché au dossier de sa chaise. « Ah voilà ! J'aurais bien dû me méfier de ce noir ! » hurle-t-elle avant de crier au voleur dans tout le restaurant.
Mais lorsque la vieille dame s'apprête à demander qu'on le poursuive, ses yeux tombent sur un bol de soupe intact et froid, posé sur une table voisine, devant la chaise où est accroché le sac. Sur le plateau, elle constate alors qu'il manque juste une cuillère...
« Un simple geste d'humain, quand se desserrent ainsi nos poings, Quand s'écartent nos phalanges, sans méfiance, une arme d'échange, Des champs de bataille en jardin. » (Jean-Jacques Goldman – Nos mains)
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