« La connaissance s'accroît en la partageant. »
9 Octobre 2009
Réalisé par Marc Webb, sorti le 30 septembre 2009
Titre original : (500) Days of Summer
Si la narration via une voix-off masculine peut d'abord faire songer au Fabuleux destin d'Amélie Poulain, la description de ce couple mal assorti qui se cherche plus qu'il ne se trouve renvoie finalement plus à l'univers d'un autre frenchy, Yann Samuell (qui s'était malgré tout lui-même grandement inspiré du film de Jean-Pierre Jeunet pour concevoir le sien). À l'instar des personnages de son Jeux d'enfants (qu'incarnaient alors Guillaume Canet et Marion Cotillard), ceux de (500) jours ensemble s'attirent surtout par ce qui les opposent. De la même façon, lui paraît être resté assez pur et sentimental, croit avoir trouvé l'élue de son cœur, mais n'ose pas "l'inviter" directement (par peur de passer pour trop brusque peut-être). Elle ne semble plus véritablement croire en l'amour, n'en attend d'ailleurs plus rien et affirme sans détour que la liberté offerte par son statut de célibataire lui convient parfaitement (par peur de l'engagement sans doute). Dans le film de Marc Webb (tout comme dans celui de Yann Samuell), le traditionnel rapport homme / femme semble même s'être inversé. Tom croit encore aux belles histoires de contes de fées (comme l'illustre le saisissant passage des "attentes" comparées à la "réalité"), alors que Summer a depuis bien longtemps abandonné l'idée du prince charmant. Sentimental et romantique, l'homme semble même ici plus "féminin" que la femme par moment. Tout comme le personnage joué par Billy Crystal dans Quand Harry rencontre Sally, Tom n'envisage pas non plus qu'une amitié puisse réellement exister entre un homme et une femme (sauf le concours d'une petite antipathie physique peut-être ; point qui reste néanmoins négociable pour son collègue de bureau désespéré...) alors que Summer aimerait qu'ils "restent amis" (sentence ô combien terrible qu'on a certainement tous entendu au moins une fois malheureusement). Loin de toute mièvrerie, et sans pour autant verser dans la perversion trash (d'un néanmoins remarquable Les Lois de l'attraction) ou le potache graveleux (tendance American Pie ou 40 ans, toujours puceau), le couple tel que le conçoit Marc Webb est finalement plus proche de l'esprit d'un Woody Allen ou d'un Michel Gondry (sans parler des auteurs de la Nouvelle Vague que le film évoque à travers un très joli hommage cinéphile). La vraisemblance de son propos n'en est alors que plus percutante. Sa vision âprement réaliste rejoint effectivement davantage celle de l'auteur de Eternal sunshine of the spotless mind, que celle plus romantique de Jean-Pierre Jeunet auquel on pense au prime abord.
Il est également appréciable aussi de constater que le film ne cherche pas non plus à jouer la carte du cynisme désabusé quelque peu ronflant (Toy Boy), ni de celle du cynisme de papier qui s'envole avec l'arrivée du générique final (Jackpot). Ici, les personnages sont semblables à la vie. Imprévisibles, entiers et surtout libres. Ce n'est pas avec un beau bouquet de roses, des violons larmoyants et quelques mots écrits sur une carte que l'on corrompt leur âme. L'amour ne se résume pas à une formule magique où "tout est forcément bien qui finit bien", Marc Webb l'a bien compris et parvient assez remarquablement à triompher de l'ennemi mortel de ce type de films : la prévisibilité. Son film n'en est pas complètement désespéré pour autant. En fin de compte, son regard est moins cruel et désenchanté que tendre et juste ; aussi amers soient certains passages qu'il met en scène. (500) jours ensemble se présente surtout un film de contraste(s). Contraste évidemment entre le romantisme du héros et le détachement de sa promise, mais aussi entre la naïveté persistante de celui-ci et l'étonnante maturité de sa jeune sœur. Contraste aussi dans le choix des couleurs avec une dominance du jaune lumineux et du bleu intense pour figurer le bonheur (un bleu qui, en outre, met remarquablement bien en valeur les yeux magnifiques de l'actrice), et davantage de couleurs sombres et grises lorsque le moral est au plus bas (y compris sur les petites pancartes colorées qui découpent le film en chapitres). Cette direction artistique réfléchie s'accompagne de choix de mise en scène pertinents qui se jouent également des opposés et illustrent avec force les différents stades affectifs des personnages. Qu'il s'agisse d'une même scène revue avec un point de vue sensiblement divergent ou de la désillusion que fait naître la réalité lorsque les attentes sont trop grandes ; une désillusion capable de faire littéralement s'écrouler le monde autour de nous (là encore, la réalisation est d'une rare virtuosité et parvient remarquablement à traduire par l'image les pensées des protagonistes). Écrans séparés permettant d'observer simultanément l'être qui hésite et celui qui attend, travelling au ralenti pour figurer l'anxieuse attente qui suit une nuit de dispute, images délicieusement rétro pour évoquer le passé des personnages, insert animé pour accentuer le décalage d'une situation, détournement de classiques du cinéma européen... Marc Webb tente vraiment pas mal de choses pour un premier long-métrage, et parvient à viser juste la majeure partie du temps.
En outre, ces effets de style parfaitement orchestrés s'accompagnent d'un montage résolument non-linéaire, mais d'une lisibilité impeccable (le petit "compteur" aidant de surcroît à toujours bien nous positionner dans le temps), qui détourne avec intelligence les conventions narratives du genre et permet à certains passages traditionnellement "casse-gueule" (comme la partie musicale par exemple) de trouver une intensité inattendue. (500) jours ensemble parvient à s'émanciper du schéma traditionnel de la comédie romantique en n'ayant pourtant qu'un seul personnage principal comme moteur de son récit (voire deux tout au plus, si on choisit d'ajouter celui de Zooey Deschanel) – là où un Love Actually puisait justement sa force dans le développement d'une galerie de personnages étendue – grâce à une construction en forme de film à sketches qui permet une plus grande souplesse de composition. Totalement décousue, mais parfaitement maîtrisée, cette narration non-conventionnelle permet ainsi (en plus d'entretenir le mystère sur les tenants et les aboutissants de cette relation) de créer de savoureux décalages comiques (celui avec l'ascenseur étant certainement le plus mémorable), bien souvent introspectifs (comme un souvenir chez le disquaire dont l'interprétation change avec le temps), et de mettre en avant, mine de rien, quelques vérités sur le couple qui ne manquent pas de pertinence. Au premier abord léger et décontracté, le traitement faussement naïf est surtout un prétexte à évoquer la tristesse sans verser dans le sentimentalisme, et à parler d'amour sans sombrer dans l'excès de sensiblerie (comme quoi, une simple séance bucolique dans un Ikéa a parfois plus d'impact que toutes les gondoles de Venise). Ce décalage constant de tons n'est pas sans évoquer certaines séries américaines en général, et Pushing Daisies en particulier (d'autant que Zooey Deschanel a ce petit côté lunaire et insaisissable que possède la toute aussi ravissante Anna Friel). Le burlesque de certaines séquences est alors parfaitement justifié pour illustrer la joie immense que provoque l'amour (celle qui donne envie d'aimer l'amour, de se ruer dans la rue pour chanter et danser son bonheur à la façon de Il était une fois), tout comme la morosité que provoque sa perte et le profond désespoir qui l'accompagne (et qui conduit à en vouloir à la terre entière, à ne même plus supporter la vision du bonheur dans la rue et à systématiquement voir le mauvais côté des choses). Entre rire amusé et soupir nostalgique, (500) jours ensemble est un joyau d'émotion pure, sincère et si proche de nous.
Pour camper ses deux personnages qui – à la façon d'Ashton Kutcher et Amanda Peet dans le très recommandable 7 de séduction de Nigel Cole – vont se croiser à différents stades de leur existence, il fallait évidemment que le casting soit à la hauteur. Là encore, en confiant le rôle des acteurs au physique de "people next door", Marc Webb marque un point de plus dans la crédibilité et la facilité d'identification. Bien entendu, Joseph Gordon-Levitt et Zooey Deschanel (qui s'étaient déjà croisés huit ans auparavant sur le tournage du film Manic de Jordan Melamed) sont loin d'être des laiderons ; mais ils ne représentent pas non plus des modèles de perfection incarnée façon Matthew McConaughey et Jennifer Garner, ou encore Gerard Butler et Katherine Heigl (pour ne citer que les exemples les plus récents). Clairement, le réalisateur cherche moins à nous faire rêver avec son histoire qu'à nous toucher vraiment. Or, le charme des interprètes principaux de (500) jours ensemble vaut toute la beauté du monde. À la façon d'un James McAvoy, Joseph Gordon-Levitt campe donc avec une incroyable aisance ce garçon ordinaire auquel on s'attache rapidement et que l'on a plus envie de quitter ensuite. Avec son minois de poupée de porcelaine, la pétillante Zooey Deschanel est quant à elle juste parfaite dans le rôle de cette jeune femme aux airs de fausse ingénue. Et si son personnage pourrait rapidement passer pour insupportable, l'actrice parvient surtout à rendre Summer délicieusement détestable. Certes, celle-ci agace souvent par sa façon de nous rappeler de douloureux et lointains souvenirs (comme un condensé de toutes les échecs amoureux passés), mais on comprend également sans mal qu'elle fasse tourner la tête du pauvre Tom. En effet, qui pourrait résister à ces deux diamants bleus qui irradie son regard ? Bien qu'assez évanescents, les personnages secondaires sont également incarnés avec une sincère conviction par des comédiens attachants. On prend ainsi beaucoup de plaisir à voir Matthew Gray Gubler (le Dr. Spencer Reid de la série Esprits criminels) évoluer dans un rôle plus "masculin" et le discret Clark Gregg (vu notamment dans La Couleur du mensonge, Photo Obsession et Iron Man) se glisser dans la peau d'un boss aussi sympa, compréhensif et maladroit que l'inoubliable Michael Scott de The Office. Dans le rôle du collègue un brin lourd, mais surtout bienveillant, Geoffrey Arend ne déçoit pas non plus. Mais je retiendrai surtout la pétulante Chloe Moretz, et ses précieux conseils avisés (surtout pour une gamine de cet âge !), dont la prestation pleine de fraîcheur m'a vraiment ravi.
L'autre élément fondamental de (500) jours ensemble, c'est indubitablement la musique. Rien d'étonnant lorsque l'on sait que Marc Webb (dont c'est le premier film je le rappelle) s'était alors surtout illustré dans le monde du clip en travaillant pour de nombreux artistes ou groupes aussi réputés que Green Day, Maroon 5, Daniel Powter, Fergie ou encore Lenny Kravitz. Qu'il s'agisse d'une chanson de The Smiths dont on partage l'écoute dans l'ascenseur, d'une soirée karaoké, d'une séquence onirique en forme de comédie musicale, d'une visite chez le disquaire, de T-Shirts sérigraphiés (Tom arbore ainsi à plusieurs reprises les couleurs de Joy Division ou The Clash) ou tout simplement de conversations entre deux mélomanes (qui n'hésitent pas à disserter sur les Sex Pistols ou The Beatles), la musique n'a ici pas une simple fonction décorative, mais se place véritablement au cœur du film. Entre la magnifique voix de Regina Spektor (pour laquelle Marc Webb avait d'ailleurs réalisé plusieurs clips) et celles non moins remarquables de Feist, Simon & Garfunkel, Daryl Hall & John Oates ou encore Mum-Ra, les chansons rythment véritablement le récit autant qu'elles trahissent (non sans humour) les états d'âme des personnages. Si le choix d'une fameuse chanson interprétée par une certaine première dame pourra toutefois en surprendre plus d'un, il mérite pourtant qu'on s'y attarde plus sérieusement pour en saisir la pertinence. Au-delà du gag immédiat qu'elle provoque, les paroles accompagnent en effet les images avec beaucoup de justesse (les plus anglophones pourront également s'en apercevoir lorsque le titre "Hero" de Regina Spektor vient presque poser des mots sur les images pendant la sublime séquence où le décalage entre les "attentes" du personnage et la "réalité" des faits est mis en exergue). On appréciera également les nombreuses références musicales adressées à d'autres films (du Lauréat de Mike Nichols à Dirty Dancing d'Emile Ardolino, un grand écart cinématographique qui témoigne de la richesse et de la complexité du long-métrage de Marc Webb), ainsi que le plaisir d'entendre une nouvelle fois chanter Zooey Deschanel (qui avait déjà pu montrer ses talents en la matière à un Jim Carrey totalement sous le charme dans le récent Yes Man) lorsque celle-ci se lance dans une adorable reprise du "Sugar Town", qu'immortalisa Nancy Sinatra en son temps.
Pour terminer, je ne sais plus vraiment comment vous motiver de voir ce film sans risquer de vous décevoir par trop d'attente (à trop attendre de quelque chose, on est bien souvent déçu...). Néanmoins : fausse comédie romantique sur l'amour, (500) jours ensemble dissimule derrière une apparente légèreté (le film débute et termine d'ailleurs par un gag) une véritable réflexion dans laquelle je me suis intégralement retrouvé (le héros ayant une approche et une vision des choses très semblables aux miennes). Certainement donc qu'une partie de ceux qui liront ces lignes me trouveront exagérément généreux avec ce film. Mais, à l'instar d'un Garden State, d'un Once ou d'un Punch-Drunk Love : ivre d'amour, (500) jours ensemble est un film bougrement original qui dénote singulièrement des productions standardisées actuelles et attire immédiatement la sympathie. Car même si ceux qui ne parviendront pas à "entrer" dans le film peuvent y rester de marbre, celui-ci stimule pleinement le sentiment d'identification. (500) jours ensemble peut ainsi éveiller en nous un amour perdu, une passion prématurément finie tout en nous amenant à réfléchir sur le "et si ?". Summer ne croyait plus en l'amour avant de se confronter à la force des sentiments, Tom croyait au destin puis découvre le libre-arbitre ; comme quoi rien jamais n'est joué d'avance. Sachant qu'il ne sert à rien d'attendre un signe providentiel d'on-ne-sait-où en s'attardant sur un passé sublimé par des souvenirs forcément sélectifs (d'où la nécessité de ne pas se focaliser seulement sur le positif, mais d'y réfléchir à deux fois comme le conseille justement la jeune sœur du héros), il convient de saisir les opportunités qui s'offrent à nous en se disant que le bonheur est forcément "avenir" (le 1er jour film, la rencontre, compte d'ailleurs finalement bien moins au final que le 500ème, la conclusion). Servi par un scénario parvenant au juste équilibre d'esprit, d'humour et de tendresse nécessaire, porté par des personnages terriblement attachants, emmené par mise en scène imaginative et un montage malin, (500) jours ensemble est une œuvre qui laisse une agréable sensation d'espoir, des souvenirs plein la tête et pousse à une judicieuse introspection lorsque l'on va mal. On peut d'ailleurs aisément se laisser aller à penser que cette voix-off omnisciente qui narre ce qui se passe sous nos yeux est celle d'un homme d'âge mûr qui a su prendre le recul nécessaire sur sa vie (il s'agit d'ailleurs peut-être bien de celle du héros qui, ayant vieilli, fait à la manière de Ted Mosby dans la série How I met your mother le bilan de sa vie) et en tirer les conclusions qui s'imposent. Comme le souligne d'ailleurs très bien le réalisateur Marc Webb : « derrière l'humour et la légèreté de (500) jours ensemble, il y a une vérité : l'amour a beau pouvoir être dur, cruel et difficile, c'est aussi, de loin, ce que la vie a de mieux à offrir ».
Pour terminer ce billet dans la bonne humeur, je vous invite à présent à découvrir une vidéo réalisée par le même Marc Webb. Conçu dans le but dans le but évident de rendre hommage aux comédies musicales, ce clip met de nouveau en scène le couple Joseph Gordon-Levitt / Zooey Deschanel et illustre sur fond de braquage de banque fantasque l'un des tubes du groupe She & Him dont la belle actrice au regard lapis-lazuli est la chanteuse : "Why do you let me stay here ?". Si avec ça, vous n'éprouvez pas une envie de débouler dans la rue pour rouler une grosse galoche au premier (ou à la première) qui passe, je ne peux plus rien faire pour vous !
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Harley Quinn 22/11/2009 11:42
Vlad 24/10/2009 03:10
Vlad 13/10/2009 22:05
Vlad 13/10/2009 21:57
tinalakiller 13/10/2009 21:45