« La connaissance s'accroît en la partageant. »
9 Avril 2014
Réalisé par Roger Donaldson, sorti le 27 septembre 1995
Titre original : Species
Depuis son premier long-métrage réalisé en Nouvelle-Zélande à la fin des années 1970's, le cinéaste australien a toujours su confier les rôles principaux de ses films à des comédiens talentueux et emblématiques parvenant à transcender leurs personnages. Après Sam Neil (alors débutant, mais déjà très prometteur) et Warren Oates (bien connu des aficionados de Sam Peckinpah) en 1977 pour Sleeping Dogs, il dirige donc Mel Gibson et Anthony Hopkins en 1984 dans Le Bounty (aux côtés d'une distribution prestigieuse réunissant aussi Laurence Olivier, Bernard Hill, Daniel Day-Lewis, ou Liam Neeson), puis Kevin Costner et Gene Hackman en 1987 dans Sens Unique (thriller efficace mettant également en scène Will Patton et Sean Young), ou encore Tom Cruise et Bryan Brown en 1988 dans Cocktail (le film te donnant furieusement de t'engager dans une carrière de barman à la Jamaïque au son des Beach Boys). Plus tard, on le verra également s’adjoindre les services de Pierce Brosnan et Linda Hamilton pour Le Pic de Dante en 1997, ainsi que Colin Farrell et Al Pacino à l'occasion de La Recrue,en 2003. Avec La Mutante, Roger Donaldson ne déroge pas à la règle puisque la distribution est – pour une production de ce genre – assez singulière. Le vétéran Ben Kingsley (Gandhi, La Liste de Schindler, La Jeune Fille et la Mort) y incarne donc l'impitoyable tête pensante de l'équipe scientifique gouvernementale qui a créée, puis tentée de détruire, une hybride humain-alien appelée Sil. Pour retrouver et éliminer le fruit de cette expérience génétique ayant mal tourné, il fait alors appel à un chasseur de prime bourru campé par le toujours aussi classe Michael Madsen (Reservoir Dogs, Wyatt Earp, Kill Bill) tout en force tranquille, à un médium volubile interprété par l'immense Forrest Whitaker (Ghost Dog, Le Dernier Roi d'Écosse, Zulu) dans un numéro de roue libre assez amusant, ainsi qu'à deux scientifiques auxquels Alfred Molina (Les Aventuriers de l'arche perdue, Identity, Spider-Man 2) et Marg Helgenberg (Les Tommyknockers, Bad Boys, la série Les Experts) prêtent leurs traits. Une équipe de choc donc, même si l'écriture plus que basique de leurs rôles ne permet pas franchement à ce casting prestigieux de briller. Néanmoins, à la vérité, l'intérêt est ailleurs...
Mue par un insatiable instinct de préservation, sa recherche du "prince charmant" se transforme rapidement en quête du "partenaire idéal" (dénué de tares pouvant nuire à sa progéniture) ; les mâles reproducteurs recalés étant férocement éliminés par cette entité gynocratique. Pareille à une veuve noire utilisant les humains dans le seul but la reproduction de son espèce – les cocons dans lequel elle emprisonne ses proies renforce d'ailleurs cet aspect arachnéen – et qui, sous sa véritable apparence, se voit dotée d'un impressionnant exosquelette biomécanique, Sil n'est pas sans évoquer une figure majeure du cinéma fantastique : le xénomorphe. Et pour cause. À l'instar du fameux huitième passager exterminant les membres du Nostromo dans le mythique Alien de Ridley Scott, la créature de La Mutante a été entièrement conceptualisée par le génial Hans Ruedi Giger. L'influence du maître est d'autant plus patente lors de la séquence fantasmagorique du train cauchemardesque – dont le design rappelle fortement le redoutable ennemi de Ripley – qui pourchasse Sil. On sent d'ailleurs bien que certaines idées sont passées à la trappe. Les rêves oniriques de la mutante auraient sûrement mérité un traitement plus poussé. Pour le reste, en poussant jusqu'au paroxysme l'érotisation de sa créature, le film de Roger Donaldson est sans doute l'incarnation cinématographique la plus fidèle des travaux de l'artiste suisse (où le "féminin" fait bien souvent l'objet d'une représentation charnelle hyper-sexualisée). À la fois envoûtante, excitante et monstrueuse, la créature imaginée par H.R. Giger est donc une réussite esthétique remarquablement bien retranscrite à l'écran ; si ce n'est dans le final bâclé du métrage où une surabondance d'effets numériques datés gâche un peu le plaisir du spectateur. Ce qui est d'ailleurs fort regrettable car, jusque-là, La Mutante avait parfaitement su ménager ses effets grâce à une utilisation ingénieuse des jeux d'ombre et de lumière ; la photographie de Andrzej Bartkowiak (déjà à l'œuvre sur L'Honneur des Prizzi de John Huston, Chute libre de Joel Schumacher ou encore Speed de Jan de Bont) s'avérant particulièrement inspirée. En outre, abandonnant totalement son enveloppe charnel "humaine", la mutante est alors réduite à n'être plus qu'un terrifiant monstre inexpressif – rompant un peu trop abruptement l'empathie du spectateur – dont le sort finit par n'avoir que peu d'importance.
Toutefois, malgré ce léger bémol concernant sa conclusion, La Mutante reste encore aujourd'hui un divertissement de qualité, épaulé par un casting très enthousiasmant, et offre finalement au spectateur tout ce qu'il en attendait ; à savoir des séquences gore et sexy emballées avec soin autour d'un postulat fantastique (même si davantage d'humour et de second degré aurait été un plus appréciable). Ce qui ne sera pas franchement le cas des trois séquelles qui suivront, à la qualité sans cesse décroissante – surtout à partir du troisième film (Michael Madsen disparissant de la franchise à l'issue du second volet, et Natasha Henstridge ne faisant plus qu'une très courte apparition dans le suivant) – et tout à fait dispensables.
Pour voir d'autres chroniques de films : cliquez-ici
Commenter cet article
Roggy 08/05/2014 18:50
Mr Vladdy 07/05/2014 14:45
dasola 07/05/2014 08:44
Mr Vladdy 06/05/2014 20:11
Shin 06/05/2014 22:58