« La connaissance s'accroît en la partageant. »
24 Octobre 2013
De son formidable prometteur premier long-métrage Le Dernier combat en 1981 jusqu'à son flamboyant Jeanne d'Arc en 1999, Luc Besson s'imposa inexorablement pendant près d'une vingtaine d'année comme l'un des cinéastes contemporains majeurs et, accessoirement, comme LE réalisateur français à suivre. Subway, Le Grand bleu, Nikita, Léon, Le Cinquième élément... autant de films qui firent la joie des nombreux cinéphiles et font à présent partie de ce qu'il est coutume d’appeler les "classiques" du cinéma. Malheureusement, le nouveau millénaire ne fut pas franchement bénéfique pour le réalisateur. Car si Luc Besson devint l'un des producteurs européens les plus influents (Trois enterrements, Danny the Dog, Dikkenek, I Love You Phillip Morris, mais aussi la lucrative saga Taxi), l'un des rares français à pouvoir imposer ses films au box-office américain (les très beaux succès outre-atlantique des franchises Le Transporteur et Taken) et un indéniable découvreur de talents (Louis Leterrier, Pierre Morel, Xavier Gens), les films qu'il mit en scène durant cette période ne furent vraiment pas à la hauteur de sa première (et globalement irréprochable) partie de carrière. Mettant en scène un improbable Jamel Debbouze amoureux romantique dans le gênant Angel-A sorti en 2005, Luc Besson réalise ainsi le premier véritable faux pas de sa filmographie. Les puérils – et cinématographiquement très pauvres – Arthur et les Minimoys, ses affligeantes séquelles, ou encore Adèle Blanc-Sec qui viendront ensuite n'ayant pas de quoi rassurer les aficionados du cinéaste. Bien que tout à fait regardables, surtout lorsque l'on a moins de douze ans, ses réalisations ne sont clairement pas à la hauteur du géniteur de Nikita, Léon et du Grand Bleu ; et le cinéphile de désespérer du tournant que la carrière de Luc Besson prend inexorablement...
L'espoir renaît cependant à l'orée des années 2010 – plus précisément en 2011 – grâce à The Lady qui semble amorcer un retour à un cinéma plus sérieux ; ou disons, moins "gamin". Je précise que – sans doute fatigué d'être systématiquement déçu de Luc Besson réalisateur – j'avais alors préféré passer mon tour (malgré d'excellents retours). Toutefois, la perspective de découvrir un casting aussi prestigieux réunissant Robert De Niro (déjà à l'œuvre sur le doublage américain de Arthur & les Minimoys), Tommy Lee Jones (dont le second long-métrage fut justement produit par EuropaCorp) et Michelle Pfeiffer dans un film 100 % français – bien que tourné en langue anglaise – avait de quoi attiser mon envie. Et je me plaisais déjà à imaginer le grand retour du réalisateur de Le Cinquième élément... Adapté d'un roman éponyme (d'excellente réputation) de Tonino Benacquista, Malavita possédait donc tous les ingrédients pour régaler mon appétit de spectateur. Malheureusement, le plat servi par Luc Besson n'est rien de plus qu'une soupe un peu tiède où les acteurs incarnent, sans grande motivation, des caricatures grossières de leurs rôles les plus populaires. Ainsi voit-on Robert de Niro nous resservir, une fois encore, son numéro de mafieux cabotin (qui se voudrait être un hommage au mythique Les Affranchis de Scorsese – comme en témoigne un clin-d'œil pachydermique au cinéaste américain, également producteur délégué du film – mais rappelle quand même davantage Mafia Blues) ; tandis que Tommy Lee Jones se contente de nous gratifier de son sempiternel rôle de vieux flic bougon qui lui colle un peu trop à la peau depuis Le Fugitif. Le traitement du personnage incarné par Michelle Pfeiffer est tout aussi frustrant. D'abord présentée comme une maman ultra-badass (son pétage de plomb à la supérette est plutôt fun), on a quand même bien du mal à croire qu'elle peine autant à se défendre contre un seul vilain rondouillard un peu loin dans le film... Where is my fucking Catwoman !?
D'ailleurs, si les personnages de Malavita parviennent malgré tout à demeurer un tant soit peu attachants, c'est surtout grâce au charisme naturel des acteurs ; et à l'affection que le public leur porte. Car le script est, en effet, d'une pauvreté d'écriture effarante. Empêtré dans des dialogues insipides, une caractérisation poussive et une mise en place laborieuse, Luc Besson semble lui-aussi s'auto-caricaturer dans cette comédie d'action lourdingue recyclant les pires stéréotypes de ses productions aseptisées (les habitants de ce village normand sont tout aussi beaufs et arriérés que les marseillais de la saga Taxi), les mêmes poncifs balourds (les ricains avec leurs burgers raillant la bouffe grasse des français à base de beurre et de clacos) et autres facilités narratives improbables (c'est bien connu que tout le monde est parfaitement bilingue dans les petits bleds de campagne). On est très loin de la finesse d'écriture d'un Jacques Audiard par exemple ; avec lequel avait justement travaillé Tonino Benacquista à l'occasion du sublime De battre mon cœur s'est arrêté. Plus dérangeant encore, Malavita demeure tout aussi impersonnel lors des – trop rares et très expéditives – scènes de fusillades et de baston, ne parvenant jamais à rendre honneur aux capacités du réalisateur de Nikita et Léon (il est tellement dommage d'avoir torché le personnage de David Belle en deux-trois plans !). Certes, le résultat n'est pas honteux, mais un Olivier Megaton ou un Patrick Alessandrin aurait fait le job qu'on n'aurait pas tellement vu la différence. C'est tout de même malheureux que le patron d'EuropaCorp, lorsqu'il repasse derrière la caméra, en soit réduit à faire dans le petit divertissement pépère...
Décevant autant par l'indigence de son scénario et son manque de fantaisie que par sa totale incapacité à utiliser intelligemment son casting quatre étoiles, Malavita est tout de même l'occasion de découvrir deux jeunes acteurs prometteurs : John D'Leo et surtout la très jolie Dianna Agron (jusque-là principalement connue pour son rôle dans la série adolescente Glee). Bien sûr, on reste quelque peu embarrassé par le côté un peu trop Spy Kids des scènes d'action les concernant (notamment lors du final). Qui plus est, la romance entre Belle Blake et son professeur n'est pas crédible une seule seconde. Pourtant, l'empathie pour ces deux personnages est réelle et apporte à ce long-métrage un brin ringard un air frais salvateur. Vite vu, vite oublié, Malavita n'est toutefois pas totalement mauvais et se laisse même gentiment suivre ; fidèle qu'il est au cahier des charges habituel des productions EuropaCorp. Mais il faut bien l'avouer : se contenter d'un "mouais c'est pas mal", c'est peut-être déjà bien pour le responsable de Angel-A et Adèle Blanc-Sec, mais ça fait quand même franchement de la peine lorsqu'on se rappelle que Luc Besson est aussi le réalisateur de Subway, Le Grand Bleu, Nikita, Léon ou encore Le Cinquième élément. Pour finir, j'en appelle aux fans du roman original Benacquista qui sauront peut-être m'expliquer la pertinence du titre (en fait, le nom du chien de la famille) car, dans le film, ce n'est pas franchement évident (surtout que l'on doit l'apercevoir deux ou trois fois tout au plus)...
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Mr Vladdy 25/04/2014 00:50
Shin 25/04/2014 11:10
Mr Vladdy 24/02/2014 11:04
Shin 23/04/2014 18:12