« La connaissance s'accroît en la partageant. »
25 Juillet 2020
Une incivilité, c'est jeter un mégot par terre, oublier de ramasser la merde de son chien dans la rue, ou laisser traîner une poubelle sur le trottoir. Voilà. C'est cela, une incivilité. Ce n'est certainement pas massacrer un père de famille innocent à quatre ou traîner une pauvre jeune fille avec une voiture sur près d'un kilomètre jusqu'à lui arracher le bras.
Depuis quand le lâche assassinat d'un conducteur de bus en meute ou le meurtre sauvage d'une aide-soignante qui promenait son chien sont-ils devenus des "incivilités" ? Employer ce terme pour qualifier la barbarie et l'ultra-violence est d'un niveau de déni assez incroyable. Et ce n'est pas avec ce genre d'euphémismes que la peur changera de camp.
Aujourd'hui, des hommes et des femmes vivent dans la crainte de perdre la vie pour un simple mot, un regard ou juste la malchance de s'être trouvé au mauvais moment face aux mauvaises personnes. À cause du laxisme effarant de notre société, certains individus se sentent totalement intouchables. Et la peur qu'ils perçoivent chez l'autre les galvanisent.
Ce gens ne sont plus des humains, ce sont des bêtes. Ils agissent en meute, n'ont aucun respect des règles de vie en société. Si vous les regardez, vous les défiez. Si vous ne baissez pas la tête, ils n'hésiteront pas à vous mettre à mort. Il y a un lien évident entre la violence et la peur. Si un chien prêt à mordre perçoit votre peur, il vous mordra à coup sûr.
J'aimerais croire que le peuple de France finira par se révolter contre tous cela, mais je suis peu optimiste. Car, comme le disait George Orwell « ils ne se révolteront que lorsqu’ils seront devenus conscients et ils ne pourront devenir conscients qu’après s’être révoltés ». Un cercle vicieux que les pouvoirs en place ne semble pas spécialement vouloir briser.
Serge Carfantan, essayiste et enseignant à l'université de Bayonne – ville où s'est fait sauvagement tuer Philippe Monguillot – avait parfaitement décrit l'impasse de nos sociétés actuelles, avec ce texte s'inscrivant très largement dans la pensée de l'écrivain et philosophe Aldous Huxley (à qui l'on doit notamment le récit prophétique 'Le Meilleur des Mondes") :
« Pour étouffer par avance toute révolte, il ne faut pas s’y prendre de manière violente. Les méthodes du genre de celles d’Hitler sont dépassées. Il suffit de créer un conditionnement collectif si puissant que l’idée même de révolte ne viendra même plus à l’esprit des hommes.
L’idéal serait de formater les individus dès la naissance en limitant leurs aptitudes biologiques innées. Ensuite, on poursuivrait le conditionnement en réduisant de manière drastique l’éducation, pour la ramener à une forme d’insertion professionnelle. Un individu inculte n’a qu’un horizon de pensée limité et plus sa pensée est bornée à des préoccupations médiocres, moins il peut se révolter. Il faut faire en sorte que l’accès au savoir devienne de plus en plus difficile et élitiste. Que le fossé se creuse entre le peuple et la science, que l’information destinée au grand public soit anesthésiée de tout contenu à caractère subversif.
Surtout pas de philosophie. Là encore, il faut user de persuasion et non de violence directe : on diffusera massivement, via la télévision, des divertissements flattant toujours l’émotionnel ou l’instinctif. On occupera les esprits avec ce qui est futile et ludique. Il est bon, dans un bavardage et une musique incessante, d’empêcher l’esprit de penser. On mettra la sexualité au premier rang des intérêts humains. Comme tranquillisant social, il n’y a rien de mieux.
En général, on fera en sorte de bannir le sérieux de l’existence, de tourner en dérision tout ce qui a une valeur élevée, d’entretenir une constante apologie de la légèreté ; de sorte que l’euphorie de la publicité devienne le standard du bonheur humain et le modèle de la liberté. Le conditionnement produira ainsi de lui-même une telle intégration, que la seule peur – qu’il faudra entretenir – sera celle d’être exclu du système et donc de ne plus pouvoir accéder aux conditions nécessaires au bonheur.
L’homme de masse, ainsi produit, doit être traité comme ce qu’il est : un veau, et il doit être surveillé comme doit l’être un troupeau. Tout ce qui permet d’endormir sa lucidité est bon socialement, ce qui menacerait de l’éveiller doit être ridiculisé, étouffé, combattu. Toute doctrine mettant en cause le système doit d’abord être désignée comme subversive et terroriste, et ceux qui la soutiennent devront ensuite être traités comme tels. On observe cependant, qu’il est très facile de corrompre un individu subversif : il suffit de lui proposer de l’argent et du pouvoir ».
Cela ne vous rappelle rien ?
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