« La connaissance s'accroît en la partageant. »
10 Janvier 2020
Réalisé par J.J. Abrams, sorti le 18 décembre 2019
Titre original : Star Wars – Episode IX : The Rise of Skywalker
En démarrant cette nouvelle trilogie avec ce qui était alors le pire épisode de Star Wars jamais produit, on ne peut pas vraiment dire que Disney et J.J. Abrams aient su rassurer les fans de la franchise mythique créée par George Lucas. Entre temps, il y eut des signes plus – le réjouissant Rogue One – ou moins – le navrant Solo – encourageants concernant l’avenir du plus célèbre space opera de la galaxie. Puis vient le très polémique Episode VIII réalisé par Rian Johnson, avec son lot d’admirateurs et sûrement bien plus de détracteurs encore. Pour ma part, malgré de (très) grosses réserves le concernant, j'ai plutôt apprécié la prise de risques quasi-suicidaire de The Last Jedi. Bien que très agaçant et imparfait sur bien des aspects, le film avait au moins eu le mérite de ne pas se contenter de mollement caresser le fan dans le sens du poil – ce qui ne sert de toute façon à rien vu que le fan de Star Wars hurlera au blasphème par principe quoi qu'il arrive – en plus d'être une véritable proposition de cinéma qui dénotait complètement après ce fan-service movie paresseux et dénué de toute ambition qu'était The Force Awakens. Toutefois, du copié-collé du VII à cet immense foutoir du VIII, et jusqu'au bricolage improvisé du IX, la précipitation de Disney reste la principale explication à tout ce chaos. Désireux de lancer une nouvelle trilogie le plus rapidement possible, c'est ainsi que Bob Iger et Kathleen Kennedy remercièrent le scénariste initial Michael Arndt (Toy Story 3) lorsqu'il indiqua avoir besoin de temps pour donner à son histoire une véritable structure (au-delà donc du 18 Décembre 2015 déjà acté par le studio). Si cette stratégie se comprend aisément d'un point de vue purement financier, cette volonté d'amortir au plus vite le coûteux rachat de Lucasfilm en 2012 – plus de 4 milliards de dollars – n'est évidemment pas sans conséquence sur cette trilogie. Il suffit d'ailleurs de regarder les dates de sortie des précédents épisodes (1977, 1980, 1983 / 1999, 2002, 2005), puis celles des nouveaux (2015, 2017, 2019) pour immédiatement saisir le problème. Alors que trois années avaient été nécessaires entre chaque épisode sous l'ère Lucas, seulement deux ans séparent ces nouveaux films estampillés Disney. Ce manque factuel de temps explique pourquoi ces longs-métrages semblent moins écrits, moins structurés, moins aboutis, mais aussi pourquoi Star Wars perdit progressivement aussi de son impact cinématographique. Et avec cette décision absurde d'intercaler Rogue One et Solo entre chaque épisode, continuer à faire vibrer le public devant une saga "événement" qui squatte les écrans tous les ans devient nettement plus délicat.
C'est dans ces conditions chaotiques et cet empressement de Disney à (très vite) rentabiliser leur investissement que J.J. Abrams – réputé pour sa vision nostalgique et respectueuse des univers qu'ils affectionnent (quitte à frôler le fan-service désincarné en dépit de l'efficacité de ses films : Super 8, Mission : Impossible 3, Star Trek) – fut recruté à la hâte pour réaliser le premier épisode de cette postlogie. Sans surprise, l'Episode VII fut donc conçu sur le modèle de l'Episode IV (fondement immuable de l'univers) ; permettant ainsi de relancer la saga sur des bases connues, sans prendre trop de risques (et par facilité aussi vu le peu de temps laissé à l'écriture). Et c'est très précisément ce qu'une majorité de fans reprochèrent à The Force Awakens, et ce qui expliqua pourquoi Disney fit exactement l'inverse avec The Last Jedi ; laissant à Rian Johnson le soin de dynamiter tout ce que J.J. Abrams avait mis en place. Ce qui déplut tout autant (voire plus) aux fans de Star Wars (ce qui était assez prévisible). Le studio fit donc un nouveau virage à 180 degrés qui les ramena très logiquement à leur point de départ. Et s'il parait légitime de blâmer Abrams et Johnson pour leurs travaux respectifs, il ne faudrait pas en négliger l'essentiel : le principal responsable de tout ce joyeux bordel reste Disney (libre de valider ou non les idées des réalisateurs engagés). En étant rappelé à la rescousse pour cet Episode IX après avoir été très largement conchié suite au VII (Disney toujours au top de la logique !), J.J. Abrams se retrouvait dans une situation encore plus délicate encore – et dans l'impossibilité totale de contenter l'ensemble irréconciliable des fans – avec cette conclusion définitive (?) de la saga Skywalker. Et c'est ainsi que les intrigues ouvertes dans le VII, qui avaient pourtant été largement fermées dans le film suivant, se retrouvent donc rouvertes à nouveau dans le IX ; un peu comme si l'Episode VIII n'avait été qu'un élément anecdotique (de 2h30 !) de cette nouvelle trilogie. C'est du moins l'impression générale que cela donne ; bien que la réalité soit un peu plus complexe que cela. Cette situation pour le moins bordélique montre surtout combien cette postlogie fut écrite à la va-vite, et sans aucune cohérence. Et cet ultime épisode n'est que l'illustration finale de ce manque de rigueur vu que chaque nouveau film vient contredire ou trahir le précédent ; là où chaque épisode de la trilogie originale (comme de la prélogie) était là pour enrichir et développer ce qui avait été mis en place précédemment.
Alors que Kylo Ren affirmait dans The Last Jedi que Rey n'était la fille de "personne", voilà que les révélations de The Rise of Skywalker – qui expliquent en partie le côté surpuissant du personnage – démontrent exactement le contraire. Ce qui donne franchement l'impression que les répliques Kylo Ren (qui prétendait pourtant ne jamais mentir) ont été totalement improvisées d'un film à l'autre. Pire encore, alors qu'il était explicitement dit que le lien particulier entre Kylo Ren et Rey était le fait de Snoke, l'Episode IX nous apprend maintenant qu'ils ont toujours été intimement liés via leurs ascendances dyades. Ce qui constitue un nouveau renoncement à ce qui avait été développé dans l'Episode VIII. Car désormais non seulement la descendance compte, mais elle semble surtout primordiale pour appréhender la Force. Si cette nature aristocratique, quasi élitiste, de la Force paraît peu cohérente avec la thématique générale de la saga (le renversement des castes dirigeantes), elle va aussi l'encontre totale du principe selon lequel la Force serait "en chacun de nous" développé par Rian Johnson ; et non pas nécessairement liée au fait d'être "bien né(e)". En révélant les origines de Rey, J.J. Abrams choisit aussi la solution de facilité dans la mesure où la conservation de ce mystère semblait être une option bien plus originale qu'une énième ascendance liée aux Skywalker ou à Palpatine. Après tout, Obi-Wan Kenobi et Mace Windu (deux Jedi extrêmement puissants) existaient bien indépendamment de leur ascendance, et Anakin n'était véritablement le fils de personne avant d'être la première légende des Skywalker. Et cela, quitte à mettre en avant une nouvelle lignée de Jedi. Ce qui aurait pu être développé en exploitant davantage le personnage de Maz Kanata, par exemple. Il est quand même regrettable que son rôle ait été si marginal au sein de cette nouvelle trilogie, sans que ne soient exploitées les montagnes de connaissance qu'elle aura pu accumuler durant ses 1 000 années d'existence. Car si cette origine "noble" semble avoir été envisagée comme la seule façon (ou la plus facile) d'expliquer la surpuissance de Rey à ce stade de l'histoire, elle ne justifie certainement pas pour autant une démesure aussi absurde.
Dès son apparition dans l'Episode VII, il a été reproché à Rey d'être si parfaite qu'elle en deviendrait abusivement irréaliste et totalement inintéressante. À ce titre, Rey rappelle un autre personnage problématique de Disney, Captain Marvel, dont l'extrême compétence et la surabondance de talents ne laissait pas de place à la moindre évolution dramatique. Étant déjà exemplaire, un tel personnage n'a jamais l'occasion de s'améliorer ; et étant toujours exceptionnel, il ne rencontre aucun obstacle véritablement contraignant. Ce qui le rend terriblement ennuyant et sans relief. Plus gênant encore, il en devient carrément agaçant dans sa manière de systématiquement ridiculiser ses partenaires d'écran (et à plus forte raison s'agissant d'icônes emblématiques développées depuis plus de quarante ans et très appréciées des fans). Ainsi Rey peut-elle : battre aisément Finn dès leur première rencontre (bien qu'il s'agisse d'un stormtrooper entraîné depuis l'enfance) ; piloter le Faucon Millenium aussi facilement que Han Solo (pourtant considéré comme le meilleur pilote de la galaxie) ; réparer ce même vaisseau plus aisément encore que ce dernier ou que Chewbacca son mécanicien attitré (qui le manœuvrent depuis des décennies) ; détruire trois chasseurs TIE d'un seul tir dans la bataille de Crait (sans jamais avoir appris à utiliser ce type de canon) ; déplacer une montagne de rochers sans effort (alors même qu'un Jedi de niveau expert comme Yoda devait se concentrer intensément pour soulever un simple pylône face au Comte Dooku) ; nager parfaitement et naviguer sur une mer déchaînée (alors qu'elle a passé l'essentiel de sa vie sur une planète désertique sans eau) ; ou encore surpasser Kylo Ren dans le maniement du sabre laser (malgré des années d'entrainement auprès de Luke Skywalker). L'une des répliques les plus réjouissantes de The Last Jedi voyait d'ailleurs Snoke moquer ce point lorsque celui-ci disait à Kylo Ren qu'il n'est « qu’un enfant avec un masque » qui s'est « fait battre par une fille qui n'avait jamais tenu un sabre laser » ; une sorte d'aveu que, effectivement, tout ceci est quand même assez ridicule.
Rey tout comme Captain Marvel illustrent malheureusement les dérives de ce cinéma progressiste très actuel qui confond trop souvent encore l'idée d'un personnage féminin "fort" inspirant avec celle d'un personnage féminin "parfait" irréaliste. Et c'est en cela que l'écriture de cette postlogie est assez maladroite, pour ne pas dire complètement ratée. Car si un personnage fort s'inscrit dans une dynamique de progression, un personnage parfait demeure statique. Ainsi, du tout début de l'Episode VII et la toute fin de l'Episode IX, Rey n'évolue guère. Elle a toujours été une combattante prodigieuse, une pilote exceptionnelle, une ingénieure incroyable, une tireuse extraordinaire, une navigatrice émérite, ainsi qu'une manieuse surdouée de la Force. Elle a également toujours été sûre d'elle, compétente en tout et totalement indépendante (là où Luke était candide et maladroit, et Anakin émotif et colérique). Elle est aussi séduisante, attirante et féminine, ainsi que très intelligente, surdouée à l'excès et bienveillante. Pour résumer : Rey est parfaitement parfaite. Ses capacités à combattre, à piloter un vaisseau spatial, à réparer des machines, à viser avec un canon, à naviguer en mer ou à utiliser la Force n'ont pas été introduites dans l'histoire et ne seront jamais expliquées. Rey sait juste déjà comment (tout) faire sans qu'aucune explication ne soit donnée au public. Et le fait qu'elle soit "fille de" ne justifie pas ce qui s'apparente clairement ici à un vulgaire "ta gueule c'est magique" qui arrange bien les scénaristes. Car si Luke Skywalker et son père Anakin avaient aussi des capacités exceptionnelles, leurs parcours montraient à quel point ils avaient dû travailler pour parvenir à une telle maîtrise. Quatre années séparaient l'Episode IV du VI, près de treize le I du III, quand les épisodes VII, VIII et IX se déroulent sur une seule année. Et pourtant, Rey semble maîtriser la Force mieux que tous les Jedi présentés jusque là. Luke connut d'abord l'échec face à Darth Vador, et Anakin fut finalement défait par Obi-Wan. Mais rien ni personne ne surpasse ni ne résiste à Rey. Ainsi dominera-t-elle Kylo Ren à chaque confrontation, avant de vaincre Palpatine dès leur première rencontre. Dans les deux cas, chaque obstacle est facilement surmonté.
Si Rey exaspère autant c'est surtout parce qu'elle incarne l'idée que tout est accessible sans souffrance ni labeur (là où Luke et Anakin avaient payé un lourd tribut, y compris physiquement) ; allant même jusqu'à surclasser les experts sans avoir besoin de travail ou d'efforts. Ainsi, Kylo Ren semble incapable de la vaincre ; en témoigne la façon dont elle rejette son interrogatoire de la Force (sans jamais l'avoir utilisé avant) et son succès lors de leurs duels au sabre laser. Tout comme Poe Dameron qui s'incline devant elle en la désignant meilleure pilote de la Résistance (devant lui donc) ; malgré ses nombreuses années de pratique. Rey est également celle qui sera désignée pour aller récupérer Luke Skywalker (bien que le choix le plus judicieux et logique aurait été sa sœur Leia). Et après la mort de Han Solo, Rey est aussi celle qui recevra les condoléances de sa femme Leia (alors qu'elle vient seulement de la rencontrer et que Chewbacca avait une relation bien plus intime avec eux). Rey finira même par supplanter Luke en étant celle qui sauvera réellement les survivants de la Résistance (le "dernier Jedi" n'étant même pas véritablement présent lors du conflit), et surtout Anakin en rétablissant l'équilibre dans la Force (le sacrifice de ce dernier pour éliminer Darth Sidious n'ayant de fait servi à rien). Icône féministe poussive, Rey est une femme totalement idéalisée, un personnage parfait éclipsant tous les autres, au développement statique et à l’évolution dérisoire tant elle fait preuve d'une excellence totale dans tout ce qu'elle entreprend. Rey n'a pas d'obstacles à surmonter pour atteindre ses objectifs (même son excès de confiance face à Snoke demeure sans conséquence puisqu'elle n'aura pas à le surmonter pour triompher – c'est Kylo Ren qui l'a sauve – et que ce trait de caractère persistera après). Elle n'a jamais dû apprendre à utiliser ses pouvoirs, travailler pour développer ses compétences, prouver son mérite pour être célébrée. Toutes ces capacités lui ont simplement été données parce que l'intrigue l'exigeait. Le soucis n'est d'ailleurs pas qu'une femme soit aussi puissante, mais bel et bien que ce personnage soit affreusement mal écrit et donc peu crédible.
Contrairement à ce que certains moralisateurs peuvent affirmer, la grande majorité du public accepte sans soucis que des personnages principaux soient des femmes fortes (le succès de films comme Terminator, Alien, Kill Bill, Mulan, Mad Max : Fury Road ou encore Rogue One n'en sont que quelques exemples parmi d'autres). Détester complètement un personnage en raison de son sexe ou l'adorer aveuglement pour la même raison est d'ailleurs tout aussi sexiste. Et brandir le sexisme pour rejeter toute critique d'un personnage féminin, lui interdisant le moindre défaut, est pour le moins contre-productif. En effet, être un modèle inspirant ne signifie en aucun cas être parfait. Au contraire, étant donné que la perfection est un idéal impossible à atteindre par définition, celle-ci s'avère bien plus décourageante que véritablement inspirante. Confondre le concept de "personnage fort" avec celui de "personnage parfait" est l'une des pires erreurs qu'un conteur puisse faire. Alors qu'un personnage fort doit lutter pour surmonter les défis avant d'être transfigurer pour le mieux en y parvenant, un personnage parfait s'en acquitte facilement et n'a donc jamais l'occasion de se métamorphoser davantage. Un personnage au caractère réaliste et sympathique, avec des défauts qu'il parviendra à surmonter afin d'atteindre la grandeur, parait donc bien plus aimable qu'une caricature impavide, parfaite à l'excès, sans évolution possible. Fort heureusement, et à la différence de Captain Marvel, Rey est présentée de manière à susciter de l'empathie malgré tout. Compatissante avec ses semblables (y compris le torturé Kylo Ren chez qui elle décèle le bien) et plutôt attachante (cette vie dure et solitaire menée sur une planète désertique suite à l'abandon de ses parents peut-être vu comme un malheur immérité), Rey fait même preuve d'un certain sens de l'humour (notamment via ses interactions avec Finn, Han ou encore Luke). C'est pourquoi, bien que cette perfection incarnée exaspère bon nombre de spectateurs, Rey parvient à demeurer sympathique pour beaucoup d'entre eux.
De fait, bien que la surpuissante Rey puisse être foncièrement agaçante, je ne la déteste pas complètement. Et son interprète Daisy Ridley semble être plutôt cool. Toutefois, être un personnage cool ou sympa ne signifie pas être bon ou réussi pour autant. Car l'investissement émotionnel que pourrait susciter Rey reste fortement pénalisé par le manque de crédibilité et de réalisme de son traitement dramaturgique. À l'inverse, la destinée contrariée et pour le moins torturée de Kylo Ren – sublimé par l'intensité de jeu d'Adam Driver (peut-être l'acteur le plus intéressant de cette postlogie malgré les critiques assassines dont il a fait l'objet) – trouve ici une conclusion des plus satisfaisantes. Affranchi de son caractère d'adolescent colérique, Kylo Ren s'impose enfin comme la figure épique qu'il aurait dû être depuis un moment déjà, devenant un véritable héros tragique semblable à son grand-père Anakin Skywalker dont il aura tant cherché l'héritage. Pour cet "ultime" volet, C3PO est (enfin) remis au cœur de l'histoire avec des dialogues savoureux où un humour efficace (son caractère pleutre, systématiquement pessimiste, mais néanmoins fidèle est plutôt bien respecté) côtoie une surprenante émotion (sa déclaration d'amitié envers RD-D2 s'avère particulièrement touchante). Et s'il est toujours un peu triste de voir R2-D2 – pourtant le droïde le plus cool de la galaxie – remisé dans un coin de l'intrigue comme une vieille babiole honteuse, le traitement de Chewbecca fait franchement plaisir (surtout après le sort indigne que lui avait réservé l'Episode VII après la mort de son plus fidèle ami). Le moment où le très attachant Wookie libère sa douleur à l'écran restera comme l'un des plus poignants de toute la franchise (la gestion de Leia s'avérant assez satisfaisant malgré le décès de son interprète). Et si l'alchimie entre Finn et Poe fonctionne assez bien ici, il reste tout de même regrettable que leur potentiel ait été aussi mal exploité. Et ce ne sont pas les ajouts (tardifs) d'une ancienne relation (Zorii Bliss) pour Poe ou d'une nouvelle (Jannah) pour Finn qui auront permis d'améliorer ce point.
Pour que cela fonctionne, encore aurait-il fallu que Zorii Bliss paraisse déjà nettement moins inconséquente ; passant en quelques minutes du désir irrépressible de tuer Poe au fait de littéralement vouloir se sacrifier pour lui (en lui cédant soudainement son précieux laisser-passer de sortie). Mieux vaut éviter aussi de s'éterniser sur ce retournement de situation improbable où, tout juste après que Rey ait défoncé ses compagnons, Zorii déclare que celle-ci est une bonne personne. Et pourquoi donc ? Je veux dire : hormis donner une nouvelle fois à Rey le beau rôle sans raison particulière ni justification fondée ? Parce que c'est bien joli de faire un design stylé qui rend (involontairement ?) hommage aux Daft Punk, mais ça aurait été bien mieux que Zorii Bliss serve véritablement à quelque chose. D'ailleurs, je me demande toujours comment elle a pu revenir lors de l'assaut final, alors qu'elle aurait logiquement dû mourir lorsque la planète Kijimi sur laquelle elle vivait fut atomisée par le Dernier Ordre. Quant à Jannah, si son court dialogue avec Finn concernant leur passé commun aurait pu amener des développements intéressants (qui n'arriveront jamais), force est de constater que son retrait du film n'aurait pas changé grand chose non plus. D'accord, Rose Tico n'était clairement pas la plus grande trouvaille de The Last Jedi et zapper sa romance forcée avec Finn en la reléguant en arrière-plan n'est pas vraiment un problème. Par contre, qu'un nouveau personnage féminin soit introduit ici afin de reprendre quasiment le même rôle auprès de Finn ressemble sérieusement à une blague. Ce qui renforce l'étrange impression que The Rise of the Skywalker a été conçu, non pas dans le but de (logiquement) compléter le précédent opus, mais dans celui de démonter une par une toutes les idées qu'il avait mises en place ; comme si J.J. Abrams faisait tout pour annihiler les événements filmés par Rian Johnson afin de retrouver l'approbation des fans les plus conservateurs de la saga. Toutefois, en se contentant de rappeler au public les bons souvenirs du passé (comme c'est le cas actuellement aussi avec les relectures live-action de leurs classiques), les "créatifs" de Disney oublient justement de l'être (ce que démontrait déjà l'introductif The Force Awakens avec son Han Solo qui paraissait ne pas avoir évolué d'un fil depuis trente ans).
En conséquence de quoi l'Empereur fait donc son grand retour, tout comme Lando Calrissian (campé par un Billy Dee Williams qui fait un peu peine à voir), ainsi que les innombrables clins d'œil à la trilogie originale (avec plus ou moins de subtilité d'ailleurs). Toute cette nostalgie a d'ailleurs bien du mal à fonctionner tant la frénésie du montage enchaîne les séquences hommage sans véritablement laisser au spectateur le temps de s'y impliquer. Et, avec cette impression d'assister au rafistolage permanent des trous narratifs laissés par les films précédents, appréhender l'Episode IX comme la conclusion logique de cette postlogie devient pour le moins compliqué aussi. Quant aux nouveaux développements de l'histoire, ils peinent également à convaincre, tant leur introduction est grossière. À ce titre, la justification du retour de Palpatine est un exemple flagrant de paresse d'écriture ; renforçant d'autant plus cette impression d'improvisation permanente qui caractérise tant cette incohérente nouvelle trilogie. Alors que les Jedi n'étaient qu'une vague légende dans le VII, voilà que les Sith sont maintenant une caste aux arcanes secrètes connus de tous ; comme l'illustre ce maladroit passage où un soldat lambda tente d'expliquer le retour forcé de Palpatine en évoquant la "technologie secrète de clonage des Sith". Sauf que non. Déjà, celle-ci n'a rien de secrète (l’Episode II s’intitulait d'ailleurs L’Attaque des Clones). Ensuite, rien n'atteste que Palpatine en soit effectivement un ; à la différence de Snoke donc (même si l'on ne saura finalement jamais d'où vient celui qui restera comme le personnage le plus bâclé de toute la franchise, ni pourquoi tous ses clones arboraient ce même visage difforme scarifié). Enfin, quitte à ce qu'un quidam de la Résistance évoque cela, autant utiliser Kelly Marie Tran (Rose Tico ayant été déjà introduite avant) plutôt que Dominic Monaghan (dont le visage beaucoup trop familier "casse" un peu l'immersion du spectateur à mon sens). Un regrettable rétro-pédalage de Disney qui préfère donc inutilement faire (encore) apparaître un nouveau protagoniste à l'arrache, plutôt que de recourir à un personnage qui avait globalement déplu aux fans de Star Wars.
Après avoir été laissé pour mort à la fin de Return of the Jedi, Palpatine est donc de retour ("pour nous jouer des mauvais tours !"). Comment l'Empereur Sith a-t-il pu survivre à sa chute mortelle dans un puits d'aération de la Death Star juste avant son explosion ? J.J. Abrams ne l'expliquera jamais. Ah oui : "ta gueule c'est magique". À ce niveau de facilité scénaristique, autant faire revenir Snoke, hein ! Ça n'aurait pas été moins crédible, franchement. Sauf que, pour cela, il aurait fallu que Disney innove, au lieu de faire une marche arrière nostalgique en n'assumant pas les décisions prises dans The Last Jedi et The Force Awakens. Et que l'on ne me fasse croire que le retour de Darth Sidious était prévu depuis le début ! Au lieu de ça, c'est donc avec un simple texte en introduction – « The Dead Speak ! » (Mouahaha !) – que Palpatine est réintroduit aux forceps. Aux spectateurs ensuite, après la séance, d'aller dénicher par eux-mêmes le contenu du fameux discours de l'Empereur : « Finalement le travail d’une génération touche à sa fin. La grande erreur est corrigée. Le jour de la victoire est à portée de main. Le jour de la revanche. Le jour des Sith ! ». L'ironie (marketing) étant que ce message ait été diffusé sur Fortnite (comme s'il s'agissait d'un vulgaire contenu additionnel de jeu-vidéo) alors qu'un événement aussi important aurait dû figurer dans le film. Surtout que ce retournement scénaristique n'est pas sans conséquence, puisqu'il remet en cause l'intégralité de la saga. Anakin Skywalker, le père de Luke et Leia, n'est donc plus celui qui rétablit l'équilibre dans la force en tuant Palpatine. Conclusion logique et imparable de la trilogie originelle, et base sur laquelle toute la prélogie s'appuyait pour développer son basculement de Jedi à Sith, avant qu'il ne redevienne l'élu de la prophétie. Anakin n'est d'ailleurs pas la seule victime de cette réécriture historique, puisque Luke y perd également son aura mythologique. Alors qu'il était censé être le fameux "dernier Jedi" du VIII, voilà que nous apprenons finalement que Leia avait elle aussi achevée sa formation et qu'elle était donc un maître Jedi depuis le début de l'intrigue (la maladroite traduction française "les derniers Jedi" devenant bien malgré elle plus juste que l'intention initiale de Disney).
Et si Disney a cru bon jeter à la poubelle l'ancien univers étendu, les scénaristes de la postlogie sont tellement en roue libre qu'ils ne parviennent même pas à respecter le nouveau canon de la franchise puisque le roman Bloodline de Claudia Gray – publié après la sortie du VII – expliquait que Leia n'avait jamais reçu de formation Jedi puisqu'elle avait une République à rebâtir. Saluons la cohérence d'ensemble où le nouvel univers étendu n'est donc pas plus respecté que l'ancien... Bref. À partir du moment où la boss de la Résistance était déjà un maître Jedi accompli, quel intérêt d'aller chercher Luke dans l'Episode VII ? Surtout qu'il est clairement montré ici qu'elle pouvait très bien entraîner Rey (un court flashback montre même Leia prendre le dessus sur Luke en combat singulier). Et bien, dites-donc, heureusement que les épisodes VII et IX n'ont pas été supervisés par le même réalisateur ! Ceci étant dit, J.J. Abrams s'auto-torpille de façon plus aberrante encore lors de l'ultime bataille spatiale du film en montrant la Résistance disposer d'une flotte suffisamment importante pour battre celle du Premier Ordre ; maintenant devenu le Dernier grâce à l'ajout de milliers de Destroyers (sortis de nulle part) offerts par Palpatine. C'est quand même incroyable qu'une telle armada ait pu être conçue dans le plus grand des secrets ; sans parler de ces centaines de milliers de soldats (tout autant sortis de nulle part) recrutés depuis trois décennies dans l'indifférence générale. Il faut croire que la Résistance roupille entre chaque film. Bon, "ta gueule c'est magique" et admettons. Mais alors, si l'Empereur disposait de tous ces milliers de Destroyers, chacun ayant la puissance de la Death Star, pourquoi s'être autant pris la tête à bâtir Starkiller dans le VII ? Et surtout, si les rebelles parviennent quand même à battre cette armée miraculeusement enrichie par les troupes secrètes de Palpatine (« 10 000 fois plus puissante ! » selon les dires de Pryde), pourquoi la Résistance ne parvient-elle pas à éclater le Premier Ordre dès le début de l'histoire ? Et aussi, si Rey est la petite-fille que Palpatine cherche à attirer du côté obscur, pourquoi n'a-t-il pas davantage concentré ses efforts sur l'assujettissement de son propre fils (lui aussi sorti de nulle part) au lieu de passer autant de temps à tenter de corrompre Anakin et puis Luke ? C'est quand même dommage qu'une soi-disant conclusion apporte finalement plus d'incohérences que d'explications logiques à la saga.
Mais plus agaçante est encore l'incapacité de cette nouvelle trilogie à créer de nouveaux enjeux significatifs ; faute à des antagonistes d'envergure. Au-delà du ratage complet que constitue Snoke, le traitement pour le moins grotesque du Général Hux fait également peine à voir avec son retournement de veste aberrant et poussif (« C'est moi l'espion ! »). En plus de ne rien ajouter de réellement pertinent à l'intrigue (inutilement complexifiée au détriment d'autres éléments qui auraient au contraire gagné à être davantage explicités), cette trahison ne sert finalement qu'à introduire un nouveau ennemi qui aurait dû l'être bien avant. À l'évidence, la création de Pryde répond au besoin de donner un "bras droit" (tardif) à Palpatine suite à la mort (prématurée) de Snoke. Rappelant le Grand Amiral Tarkin de l'Episode IV, Pryde en évoque surtout un autre : Thrawn (qui jouait un rôle similaire dans l'univers étendu). Ayant bien trop de choses à raconter pour se permettre de tels rajouts de dernière minute, J.J. Abrams perd également du temps avec la gestion chaotique de son intrigue principale avec cette course aux artefacts aussi superflue que les péripéties impliquant la (pseudo) mort de Chewbecca à laquelle personne ne croît vraiment (Rey comprend d'ailleurs que le Wookie vit toujours cinq minutes après s'être remise de ses émotions). Merci le film de perdre une heure pour rien à coup de ficelles scénaristiques plus grosses que la queue de Jabba le Hutt : Kylo Ren sortant indemne de l'explosion de son chasseur, nos héros tombant dans les bons sables mouvants, C3P0 parlant toutes les langues de la galaxie sauf celle utile à l'intrigue. Ce dernier point n'est pourtant pas inintéressant car Palpatine aurait très bien pu, via son contrôle du Sénat, bloquer cette fonctionnalité afin d'empêcher les droïdes de traduire la langue Sith et donc de trouver leur repère secret. Malheureusement, le film ne juge pas utile de s'attarder dessus. Faute de temps aussi, les Chevaliers de Ren sont balancés à l'arrache dans le récit, pour disparaître aussi vite. Même la garde prétorienne de Snoke dans le VIII avait plus de classe que ces bras cassés insignifiants avec leur look de mauvais groupe de black metal finlandais (niveau iconisation, on est loin de Darth Maul ou Grievous).
Dans ces conditions, il est facile de comprendre pourquoi la solution de facilité Darth Sidious a été choisie. Malheureusement, ce dernier fait également les frais de cette réécriture poussive de la saga. Loin du stratège ayant brillamment fomenté la guerre des clones et l’ascension de l'Empire, ce bon vieux Palpy devient donc un vulgaire méchant de série Z qui prend tranquillement le temps d'expliquer l'intégralité de son plan à l'héroïne (bonjour le génie machiavélique !) avant de littéralement se suicider pour la faire gagner. Car c'est clairement ce qui se passe ici : Palpatine meurt uniquement parce que ce (désormais) débile n'arrête pas de balancer ses propres éclairs meurtriers. Ce n'est pas comme si Mace Windu avait déjà failli le tuer de la même façon bien des années avant. Soit l'intellect de l'Empereur Sith a sérieusement régressée durant son exil de trente ans, soit celui-ci est victime du même Alzheimer que les scénaristes du film. À ce propos, comment se fait-il que Palpatine soit suffisamment doué pour manipuler deux camps, dans une guerre intergalactique, impliquant des milliards d'individus, afin d'obtenir le pouvoir suprême, mais qu'il soit totalement incapable de surveiller son propre fils ? Non seulement le scénario de The Rise of the Skywalker trahit les trilogies précédentes et contredit la postlogie, mais il ne parvient même pas à être cohérent au sein du même film. Alors d'accord, J.J. Abrams a quand même réalisé un travail de mise en scène assez soignée (les séquences sur Exegol sont véritablement sublimes), mais le résultat manque cruellement de souffle épique. Au-delà des laborieux duels de sabres donnant l'impression que les protagonistes de battent avec des masses d'armes (là où la prélogie régalait avec ses combats virevoltants bien plus jouissifs entre chanbara et wu xia pian), le climax final entre Rey et Palpatine restera probablement comme le plus déceptif de toute la franchise. Déjà parce qu'il est particulièrement expéditif (quelques éclairs, deux sabres en croix, et c'est fini), mais surtout parce que George Lucas nous avait habitué à bien mieux (le duel de Yoda contre Palpatine au Sénat Galactique, c'était quand même autre chose).
Autre aspect polémique : la gestion de la Force, qui semble devenue de la pure magie. Outre la visio-communication télépathique, la Force permet donc désormais la téléportation miraculeuse d'objets et la possibilité de se battre à distance d'un bout à l'autre de la galaxie. Si ces capacité inédites permettent à J.J. Abrams de livrer quelques beaux moments de mise en scène (le très efficace montage du combat entre Rey et Kylo Ren où les coups de l'un semblent interférer sur l'environnement de l'autre), elles mettent aussi à mal toute la logique des films. Car, à partir du moment où de telles facultés existent, pourquoi Kylo Ren cherche-t-il tant à trouver Rey, alors qu'il pourrait l'atteindre à distance, sans même savoir où elle se trouve ? Et puisque le fantôme de Luke peut visiblement manier un sabre laser, pourquoi ne va-t-il tout simplement pas tuer Palpatine lui-même ? Et pourquoi pas aussi toute une armée des morts composée de Jedi – avec Yoda, Mace Windu, Qui-Gon Jinn ou encore Obi-Wan Kenobi – façon Seigneur des Anneaux ? Donnant souvent l'impression d'être essentiellement là pour arranger le scénario, ces nouveaux pouvoirs de la Force dérangent surtout parce qu'ils exploités sans aucune subtilité. Lorsque The Last Jedi montrait Snoke utiliser la Force pour étrangler à distance, ça restait plausible car Darth Vador le faisait déjà dans la première trilogie. Quant à la connexion particulière existant entre Rey et Kylo Ren, elle avait également été présentée par Rian Johnson via le passage du transfert des gouttes d'eau. Si le concept de dyade développé ici aurait pu expliquer en partie ce lien, le power-up semble bien trop important entre ce film et le précédent. Le niveau de puissance dans Star Wars a d'ailleurs été tellement augmenté que cela ressemble parfois un mauvais épisode de Dragon Ball Super où Rey et Kylo Ren seraient devenus Goku et Végéta (tandis que Luke et Anakin seraient l'équivalent de Tortue Géniale et Yamcha), avec Palpatine en mode Golden Freezer (possibilité de détruire des planètes avec de simples décharges d'énergie inclus). D'ailleurs, heureusement que Palpy est devenu débile et qu'il n'a pas la présence d'esprit d'aspirer toute l'énergie de Rey et Kylo Ren. Sans quoi, il aurait aisément pu remporter la victoire, et ainsi devenir l'ultime Highlander détenteur de la Force !
Quant au nouveau pouvoir de guérison, son introduction est parfaitement grotesque. Peut-être est-ce dû au fait que la scène des reflets de Rey dans l'Episode VIII rappelait déjà furieusement celle du Miroir de Risèd dans Harry Potter, mais j'ai vraiment cru que notre héroïne multi-tâches allait se mettre à parler le fourchelang au moment où le serpent géant débarque. Que les Jedi disposent désormais de ce pouvoir de guérison peut se concevoir. C'est déjà le cas dans l'univers étendu – le "bébé Yoda" de The Mandalorian en fait d'ailleurs la démonstration – et la réanimation qu'opère le vieil Obi-Wan sur Luke après sa rencontre fâcheuse avec les pillards Tuskens dans l'Episode IV – le tout premier film de la saga – peut également se voir comme une application (assez sommaire) de cette capacité. Toutefois, la guérison de Force a toujours reposé sur un principe immuable : le transfert d'énergie vitale. Dans ses conditions, voir Rey sacrifier sa propre vie pour sauver un serpent géant tueur n'a vraiment aucun sens. Et que ceux qui critiquaient les midi-chloriens de la prélogie m'expliquent en quoi cet aspect était moins crédible que toutes ces nouvelles applications de la Force sortant de nulle part ? L'introduction des midi-chloriens changeait-elle vraiment la trilogie originale ? Pas vraiment. Au pire, son seul impact est de donner une explication plus scientifique à une notion mystique. Ce qui n'est pourtant pas incompatible s'agissant de la Force. En revanche, en révélant que Rey obtient ce pouvoir de guérison via les vieux livres Jedi (une information donnée dans le guide visuel du film au lieu d'être expliquée ici), cela bouleverse grandement la cohérence de la saga. Dès lors, Anakin, l'élu de la prophétie créé par la Force, l'être le plus puissant que la galaxie ait connu en 1000 ans, a donc sombré dans le coté obscur pour tenter de sauver Padmé, alors qu'il lui suffisait d'aller à la bibliothèque des Jedi. Ainsi, la République aurait chuté car Anakin n'a pas su ouvrir un livre ? Et qu'on ne me dise pas que la lignée des Skywalker sont juste de mauvais guérisseurs vu que Ben Solo parvient carrément à ressusciter Rey ! Car oui, elle était morte. Sans quoi Palpatine aurait pris possession de son corps (vu que son plan initial était justement de transférer son âme en elle).
D'ailleurs, ceci nous amène à ce passage pour le moins gênant. Était-il vraiment indispensable de montrer Rey embrasser Kylo Ren ? D'accord, la prélogie reposait sur une romance niaise entre Anakin et Padmé, mais celle-ci était indispensable au récit, puisqu'il s'agissait de montrer la genèse de Darth Vader, le père de Luke et Leia. Quant à ce bisou furtif entre les deux enfants d'Anakin dans le premier film, sa principale fonction était humoristique (renforçant la compétition entre Han et Luke) et reposait sur l'ignorance qu'il avaient alors de leur propre filiation. Toutefois, je m'interroge encore sur la pertinence de transformer cette dyade fortement inspirée des jumeaux de Han et Leia – le sombre Jacen et la lumineuse Jaina – en resucée de Roméo et Juliette dans la dernière ligne droite de l'intrigue (je trouve même que ce baiser d'amour atténue carrément l'impact du sacrifice de Ben Solo, qui aurait dû rester désintéressé). En revanche, la critique concernant le fait que Rey change de nom ne me paraît pas totalement fondée. En effet, cette décision est en parfaite cohérence avec la thématique principale de cette postlogie. Tout comme Finn outrepasse le déterminisme social de sa fonction en échappant au rôle dans lequel il semblait condamné pour mieux construire sa propre identité, Rey finit donc par devenir la personne qu'elle souhaite et non celle qu'elle aurait dû être. Une autre possibilité aurait été que Rey s'affirme comme étant « juste Rey » et assume enfin ce qu'elle était vraiment. Déjà nettement plus originale, cette option aurait alors permis à la saga de s'émanciper un peu de tous ces délires de filiation. Idéalement, cette nouvelle trilogie aurait même dû trouver sa voie en dehors d'une énième dualité entre Palpatine et Skywalker ; l'univers étendu ayant très largement démontré que cela était possible. Maintenant que le point final (?) a été posé, il faut espérer que le futur de la franchise – car oui elle continuera malgré tout – emprunte d'autres chemins moins balisés.
Pour conclure, et malgré les nombreux reproches adressés cet épisode, je n'ai pas passé un mauvais moment durant la séance. The Force Awakens avait d'abord su faire frémir la fibre nostalgique, avant que ses innombrables défauts me sautent au visage. The Last Jedi m'avait parfois agacé, surpris ou même carrément énervé. Devant The Rise of Skywalker, et c'est peut-être le plus triste, j'avais surtout l'impression de n'en avoir plus grand chose rien à faire. En fait, le véritable problème du IX, c'est surtout la façon dont les précédents épisodes ont été conçus ; Kathleen Kennedy ayant été incapable de coordonner seulement deux réalisateurs sur une même ligne directrice pour avoir une trilogie cohérente. Et si celle-ci a véritablement été conçue ainsi depuis le début (ce qui paraît improbable), c'est encore pire. Ces épisodes peuvent être individuellement intéressants, mais ils ne tiennent absolument pas la route dans la globalité d'une trilogie. En l'état, la postlogie ressemble donc à un étrange cadavre exquis où chacun en a fait à sa tête. Ironiquement, ceux qui ont détesté l'Episode VIII mais adorent le IX, peuvent remercier l'iconoclaste Rian Johnson d'avoir contraint le nostalgique J.J. Abrams à sortir de sa zone de confort (lui qui n'aura jamais su offrir une fin convenable à Hux, exploiter intelligemment Maz Kanata ou encore mis en place un énième mystère avec le secret de Finn auquel le film ne répondra jamais). Ni foncièrement honteuse ni franchement glorieuse, cette conclusion manque surtout de panache et de puissance. Par rapport à la moyenne des productions Disney, le résultat reste plutôt correct : aussi formellement beau que foncièrement vain, mais jamais véritablement marquant, y compris musicalement (un comble pour Star Wars) vu que le thème de Rey et de Kylo Ren (introduit dans l'Episode VII) auront été les seuls à sortir du lot (alors que le trailer final du IX proposait une réorchestration sublime du thème principal). Il n'empêche que j'aurais quand même apprécié que Star Wars demeure un véritable événement cinématographique, et ne devienne pas seulement un énième blockbuster aseptisé, vite vu et vite oublié. Il ne reste plus qu'à espérer que le temps dissipera la déception pour laisser le plaisir du fan prendre le dessus (comme ce fut le cas avec les deux premiers opus de la prélogie)...
En attendant, voici donc mon classement (provisoire) de la saga mythique créée par George Lucas (la note du IX correspondant grandement à mon impression globale sur cette postlogie) :
01/ Star Wars Trilogy : 4,5/5
— Episode IV – A New Hope : 4,5/5 (Grand film)
— Episode V – The Empire Strikes Back : 5/5 (Coup de cœur)
— Episode VI – The Return of Jedi : 4/5 (Excellent)
02 / A Star Wars Story – Rogue One : 4/5 (Excellent)
03/ Star Wars Prelogy : 4/5
— Episode I – The Phantom Menace : 3,5/5 (Très bon)
— Episode II – Attack of the Clones : 3/5 (Bien)
— Episode III – Revenge of Sith : 5/5 (Coup de cœur)
04/ Star Wars Prelogy : 2,5/5
— Episode VII – The Force Awakens : 2/5 (Passable)
— Episode VIII – The Last Jedi : 3/5 (Bien)
— Episode IX – The Rise of Skywalker : 2,5/5 (Pas mal)
05/ Solo – A Star Wars Story : 1,5/5 (Pas terrible)
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