Lorsque l'on interroge Cédric Klapisch sur Paris, voilà ce qu'il répond : "On a très vite une connotation snob, prétentieuse, bourgeoise ou désagréable avec en plus le côté râleur qui n'est pas faux, raconte le cinéaste. Il y a un côté "jamais content" chez les Parisiens. C'est aussi une spécificité française : le héros français à la Gabin ou à la Delon, ou même les personnages de Céline, Léo Malet ou de Tardi. Chez eux, le Parisien tire la gueule, a du vague à l'âme, il n'est pas dupe et il est révolté... Il y a aussi quelque chose de beau et d'assez sain dans cette attitude. Paris c'est une ville de spleen. Il y a une mélancolie qui, bizarrement, est du côté de la vie, de la réaction et non de la résignation. Les grandes heures de Paris c'est la Révolution de 1789, la Commune, la Libération, Mai 68... Paris est connu pour ses moments de colères saines. J'ai aussi beaucoup entendu : "Paris n'est plus dans le coup" ou "Paris est une ville morte", et je trouve que ce n'est pas vrai. Après l'épisode des J.O. à Londres, il y a eu toute une série de signes qui tendait à montrer que Paris n'était plus aussi branché ou plus aussi "capitale". En réaction, j'ai voulu parler de Paris aujourd'hui, dans une époque peut-être plus banale. J'avais même pensé donner le sous-titre : Portrait éphémère d'une ville éternelle." Cet interlude est important car il permet de comprendre au mieux les intentions du réalisateur lorsqu'il a conçu son film.
Paris est un film choral comme on aime à le souligner, Paris est un film choral comme Claude Lelouch aime à les réaliser. Mais, il s'agit ici de Cédric Klapisch et Paris, à l'instar de cette ville lumière qu'il met valeur, est avant tout un film cosmopolite où les destins se croisent, se rencontrent, se brisent, se forgent. "Paris, ville lumière. Paris au petit matin, les livreurs, les éboueurs, les employés barbouillés de sommeil, les fenêtres bleues dans l’aube laiteuse. Paris le jour, les passants qui se hâtent, les vitrines de café comme des aquariums, une jupe qui danse sous le soleil. Paris le soir, les ombres crucifiées par les réverbères, les rires qui s’envolent vers la nuit, une fille drapée dans un pan de ciel marine. La vie quoi. Celle que contemple Pierre du haut de son balcon en se demandant si la mort qui le guette va l’emporter. Ces bribes de vie qu’il observe c’est une étudiante qui bouleverse un professeur, une boulangère dont les certitudes vacillent, une maraîchère qui réapprend l’amour, un architecte, un psy. Des gens ordinaires. Joués par des stars. Qui passent comme des comètes, ne laissant que des impressions fugitives, des sillages scintillants qui s’évanouissent sans laisser de traces". C’était bien la peine comme le souligne brillamment Sandra Benedetti in Ciné Live. Pourquoi s'embêter en développements inutiles quand quelqu'un, ailleurs, a retranscrit sur papier sur que j'aurai bien du mal à exprimer plus justement ?
Au milieu de cette fourmillante galerie de personnages (où se côtoient une pluie de stars, où les plus fidèles comme Zinedine Soualem n'ont pas été oubliés), Juliette Binoche illumine l'écran par sa force d'interprétation tout en justesse au mileu de cette nébuleuse d'étoiles (filantes donc) et on l'admire avec ravissement (et pas seulement lorsqu'elle improvise un strip-tease ! ^^) ; son personnage est l'essence qui permet à Pierre de courageusement vivre et au film de simplement vivre. Romain Duris justement est pour sa part bouleversant, âme en sursis au cœur d'une foule insouciante en surface (mais qui se soucie de toutes ces petites choses - sans importance, vraiment ? - qui font la vie) ; il est tout cas bien différent personnage de Xavier qu'il interprétait dans L'Auberge espagnole (même si le Pierre que l'on trouve à la fin du film semble rejoindre Xavier par la façon dont il semble se construire au contact des autres). Et si Fabrice Luchini nous émeut, notamment durant un passage irrésistible chez un psy campé par le bienveillant et jovial Maurice Bénichou, on regrette tout de même que sa relation Mélanie Laurent soit un pareil gâchis. L'approche par texto - évoquée dans la bande-annonce - est certes amusante, mais le reste ne tient vraiment pas debout. On ne comprend réellement pas pourquoi la jolie étudiante (aussi énervante que superficielle dans ce film d'ailleurs, la faute à l'actrice ou à son rôle ?) craque instantanément pour son professeur après l'avoir si violemment démasqué. Leur relation semble plus proche du fantasme d'un professeur vieillissant que d'une véritable histoire d'amour. On ne ressent pas la complicité qui devrait logiquement lier ces deux personnages, et les motivations de la jeune fille demeurent trop obscures pour que l'on s'y intéresse vraiment. Si cette situation ne doit pas être rare, on ne croît ici pas une seconde à cette histoire qui sonne faux dès la première note. Dommage. Mais surtout, dans cette profusion de caméos d'acteurs, retenons l'exceptionnelle participation de Karin Viard en boulangère aussi cyniquement conservatrice que majestueusement hystérique ; elle est surtout délicieusement horripilante. On regrette presque que son truculent personnage ne soit pas plus présent...
Cela dit, et malgré mes réserves, le film de Cédric Klapisch se suit avec plaisir. Et tant pis si le film manque de saveur et que la chorale finisse par devenir inaudible, c'est avant tout un immense hymne à la vie qui nous est offert là. Car, malgré des longueurs et une absence de fond par moment (sur certains personnages, délaissés, quand d'autres sont développés à l'envi), un brin d'optimisme ne fait pas de mal !
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tinalakiller 23/11/2008 21:26
tinalakiller 23/11/2008 20:00
Shin 23/11/2008 20:54
Wilyrah 02/04/2008 02:01
helene 06/03/2008 08:47
Arteashow 04/03/2008 19:04
Shin 17/05/2008 12:49