Réalisé par Rémi Bezançon, sorti le 23 juillet 2008
Avec Jacques Gamblin, Zabou Breitman, Déborah François, Pio Marmai, Marc-André Grondin, Roger Dumas, Stanley Weber, Cécile Cassel, Camille de Pazzis ...
"La vie d'une famille à travers cinq jours décisifs dans la vie de chacun. Trois enfants : Al (Pio Marmai), le fils prodige quelque peu oublié, Raph (Marc-André Grondin), le jeunot un peu largué et Fleur (Déborah François), la benjamine révoltée. Les parents (Jacques gamblin et Zabou Breitman) ont parfois du mal à gérer leur petite entreprise mais le tout semble fonctionner... à peu près. Alors que l'on vieillit, les tensions se créent et le temps qui passe commence à faire son travail, plus ou moins bien. Mais ces cinq jours, disséminés sur une douzaine d'années, vont définitivement changer leur vie..."
Trois ans après avoir signé une très bonne comédie romantique klapischienne qui passa un peu inaperçue (la sortie quelques semaines avant du film Les Poupées Russes n'ayant sûrement pas aidé au succès), Ma vie en l'air avec Vincent Elbaz et Marion Cotillard, Rémi Bezançon revient donc avec sa seconde réalisation, Le Premier jour du reste de ta vie. Si le titre ne nous est pas inconnu, c'est tout simplement parce ce qu'il est issu d'une des plus belles chansons d'Étienne Daho ; dont le refrain donnait ceci :
Rester debout mais à quel prix
Sacrifier son instinct et ses envies
Les plus confidentielles
Mais tout peut changer aujourd'hui
Et le premier jour du reste de ta vie
C'est providentiel
Étant donné que le premier film de Rémi Bezançon avait donné son titre à une chanson de Jeanne Cherhal écrite pour l'occasion, on comprend rapidement l'importance de la musique dans le film. D'ailleurs, c'est de nouveau Sinclair qui s'est occupé de la bande originale (comme il l'avait fait pour Ma vie en l'air) ; bande originale qui, outre Daho donc, contient de très belles partitions et des chansons magnifiques (dont le sublime "Perfect Day" de Lou Reed qui accompagne divinement la poignante séquence finale). De plus, le personnage incarné par Jacques Gamblin étant un fin amateur de rock, la musique occupe une place d'autant plus importante. On le verra aussi par l'intermédiaire d'un concours très aérien de guitare sans guitare, à la fois lyrique et fantasmagorique ; l'enchanteresse Camille de Pazzis parachevant ce magnifique tableau emprunt de nostalgie et de rêverie.
D'ailleurs, le film, avec cette omniprésence de la musique rock, cette chronique familiale s'étalant sur plusieurs années, cette sincérité manifeste du réalisateur et la façon dont il sublime la vie des personnages dont il nous narre le destin, ajoutés bien sûr à la présence du remarquable comédien Marc-André Grondin dans un rôle similaire (tout en étant bien plus qu'un vulgaire ersatz), rappelle à bien des égards donc l'excellent C.R.A.Z.Y. de Jean-Marc Vallée ; portrait d'une famille canadienne que j'avais adoré. Malgré ses ressemblances, Le Premier jour de ta vie demeure toutefois un film assez différent, avec sa propre personnalité. Mais tout aussi abouti et qui parvient, avec une grande finesse, un soupçon de poésie, une certaine mélancolie et beaucoup de tendresse, à décrire la vie de famille (à travers les liens qui unissent ceux qui la composent) et l'influence qu'elle peut avoir sur la trajectoire de chacun. Tout cela étant bien entendu très complexe, chacun des cinq personnages apportera à sa manière, et parce que Rémi Bezançon a l'intelligence de leur laisser le temps d'exister vraiment, sa pierre à l'édifice. Un édifice aux murs usés par le temps, mais aux fondations solides. Un édifice qui a surtout de la gueule grâce à la mise en scène dynamique et audacieuse de ce jeune réalisateur inspiré.
"Cette famille, c'est la vôtre"
Sans caricature grossière et avec beaucoup de justesse, l'interprétation épatante des comédiens est sublimée par des dialogues finement écrits. "Cette famille, c'est la vôtre" annonce l'affiche. C'est absolument vrai. À la fois attachante, agaçante, étouffante, détestable, essentielle, unique et formidable, cette famille nous saisit rapidement par son authenticité et sa sincérité (ça sent le vécu comme dirait l'autre !). On se retrouve dans leurs joies et leurs peines, on s'amuse à y faire le lien avec notre propre histoire. Chaque personnage, dans sa singularité, est une pièce fondamentale du puzzle familial. Dans ses coups de cœur et ses coups de gueule, ses réussites et ses erreurs, ses rires et ses pleurs, ses certitudes et ses doutes. Tous forment un tout, tantôt uni et solide, tantôt déchiré et vacillant. À travers cinq chapitres, aux découpages soignées et aux transitions ingénieuses, Rémi Bézançon s'attarde sur les journées charnières qui ont ponctuées le quotidien cette famille ; à nous d'imaginer ce qu'il est advenu durant les ellipses volontaires qu'a malicieusement laissé le réalisateur dans son film, et qui ne gênent en rien la parfaite limpidité du récit. Un quotidien ordinaire donc, presque banal (la vie, quoi...), mais qui change tout pour celui qui le traverse. Un petit décorticage en règle de ces "petits riens" qui jalonnent notre existence, mais qui ont pour nous une importance folle (c'est peut-être un détail pour les autres, mais pour nous ça veut dire beaucoup ; si on veut rester dans l'allégorie musicale...). Le regard du cinéaste vise juste, sa mise en scène est astucieuse et inventive. Notamment lors de la scène signifiant la perte de la virginité, et celle qui illustre la lecture du journal intime. Une jolie trouvaille où l'impudeur laisse progressivement le pas à un formidable cri du cœur.
Et puis quel plaisir de retrouver un Jacques Gamblin plein de charme et d'élégance, et bien plus inspiré que dans le décevant Enfin veuve ! Le reste du casting, de Zabou Breitman pétillante de vie à la touchante Déborah François, du révolté Pio Marmai (qui m'a rappelé un peu Vincent Elbaz dans ses meilleures interprétations) au grincheux grand-père oenologue campé par Roger Dumas, est une vraie réussite. On prend également beaucoup de plaisir à apercevoir, le temps d'une scène (ou un peu plus), Cécile Cassel, Philippe Lefebvre, Gilles Lellouche, François-Xavier Demaison, Jean-Jacques Vanier ou encore Camille de Pazzis. Et bien sûr, il y a le formidable Marc-André Grondin (qui s'est si bien dégagé de son accent québécois qu'on le croirait natif de la région parisienne ! ^__^), toujours aussi prometteur et qui est très bien parti pour prendre la relève de Romain Duris, le cas échéant. Au final, le film aurait très bien pu s'appeler le "tourbillon de la vie" à l'instar de la magnifique chanson qu'interprétait Jeanne Moreau dans les années 1960 : "On s'est connus, on s'est reconnus / On s'est perdus de vue, on s'est r'perdus de vue / on s'est retrouvés, on s'est séparés / Puis on s'est réchauffés / Chacun pour soi est reparti, dans l'tourbillon de la vie...". Les méandres de la vie sont mis en images avec une grande acuité, beaucoup de tendresse et on se laisse agréablement emporter par l'émotion grandissante du film. Loin de décevoir après la jolie surprise Ma vie en l'air, Rémi Bezançon nous offre l'un des temps forts de l'été et assurément le meilleur long-métrage français de l'année. Si vous ne l'avez pas encore vu. Lâchez votre ordinateur pendant les deux heures que durent le film et courez le voir... Vous ne le regretterez pas !
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