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LA SHINÉMATHÈQUE

LA SHINÉMATHÈQUE

« La connaissance s'accroît en la partageant. »

Crying Freeman

Crying FreemanRéalisé par Christophe Gans, sorti le 24 avril 1996

Avec Mark Dacascos, Julie Condra, Tchéky Karyo, Byron Mann, Yoko Shimada, Rae Dawn Chong, Masaya Katô, Mako ...

"Emu O'Hara, jeune peintre, est témoin du meurtre d'un gangster japonais sur les hauteurs de San Francisco. Le meurtrier, un élégant et beau jeune homme, verse une larme de remords. Cette marque d'humanité n'échappe pas à la jeune femme qui se sent, depuis l'enfance responsable de la mort tragique de ses parents. De retour à Vancouver, Emu est devenue un témoin capital que se disputent la police et le puissant chef yakuza Shimazaki, père du gangster executé par Crying Freeman..."

 


Mon avis
(très bon) :
 
 

   
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Christophe Gans est l'une des personnalités éminemment sympathiques du paysage cinématographique français. Spécialiste du septième art éclairé, cinéphage acharné et véritable stakhanoviste de la défense des films de genre, le futur réalisateur du flamboyant Pacte des loups est nommé rédacteur en chef du mythique magazine Starfix dans les années 1980 avant d'animer une rubrique consacrée au cinéma dans l'émission Rapido d'Antoine de Caunes. Si ces fonctions lui permettent déjà de partager sa passion débordante pour des cinéastes tels que Dario Argento, John Carpenter, David Cronenberg, Brian De Palma ou encore John Woo – à une époque où ceux-ci étaient encore largement négligés par la presse ciné dite "traditionnelle" et alors relativement peu connus du grand public, c'est surtout sa rencontre avec le producteur Samuel Hadida (True Romance, Killing Zoe, Resident Evil) qui va marquer un véritable tournant dans sa carrière. Après avoir réalisé quelques court-métrages sous sa tutelle, Christophe Gans se voit donc offrir, au milieu des années 1990, l'opportunité d'accéder à son rêve de gosse en réalisant son premier long : Crying Freeman. Le français est à l'évidence un grand amateur du manga original écrit Ryôichi Ikegami et dessiné par Kazuo Koike à partir de 1986. Il n'est donc pas surprenant d'apprendre que celui-ci a utilisé le manga comme un véritable story board, reprenant presque à l'identique comme le fera Robert Rodriguez pour Sin City quelques années plus tard – bon nombre de passages emblématiques de ce classique de la bande dessinée japonaise. On peut d'ailleurs également constater la grande similarité, tant esthétique que scénaristique, entre la série d'animation à la fin des années 1980 par la Toei (très proche du support d'origine) et le film réalisé par Christophe Gans.
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L'adaptation cinématographique de Crying Freeman reprend ainsi très fidèlement le début de l'histoire de Yo, ancien potier devenu un tueur implacable au service de la mafia chinoise versant une larme à chaque vie enlevée (soit l'équivalent du premier des six épisodes de la série animée, ou des deux premiers tomes de la bande dessinée). Il y a bien évidemment quelques différences notables (ainsi la Emu Himo du manga devient-elle ici Emu O'Hara), et certains passages ont dû être raccourcis, tandis que d'autres légèrement modifiés, mais cela demeure dans des proportions tout à fait acceptables. On ne ressentira donc pas le besoin de hurler à la trahison de l'œuvre de Ryôichi Ikegami et Kazuo Koike. Les acteurs eux-mêmes semblent avoir été choisis en fonction de leur ressemblance physique avec les personnages du manga. Ainsi, la troublante Julie Condra a-t-elle en effet des traits étonnamment similaires à ceux de son modèle de papier. À ses côtés, on trouve également des interprètes solides comme Yoko Shimada (Lady Hanada), Byron Mann (Koh), Mako (Shido Shimazaki), ou encore le réjouissant frenchy Tchéky Karyo (Détective Netah) qui complètent ainsi avec délice un casting sans fausse note. Pour le personnage-clé du Freeman, la production avait d'abord envisagé Jason Scott Lee (Dragon, l'histoire de Bruce Lee). Mais, celui-ci étant alors encore en contrat avec Universal, il se verra contraint de décliner l'offre . Ce qui fera l'affaire d'un jeune acteur dont la carrière peine alors sérieusement à décoller. En dépit d'un Double Dragon et d'un Kickboxer 5 de triste mémoire, Mark Dacascos (puisque c'est de lui qu'il s'agit) avait tout de même déjà eu l'occasion de taper dans l'œil de Samuel Hadida durant le tournage d'une de ces précédentes productions, le très sympathique Only the strong. Il décroche donc finalement le rôle qui le révélera enfin auprès du grand public. Et la contribution du futur interprète principal de la série The Crow : Stairway to Heaven s'avèrera ô combien primordiale !
 
 
Crying Freeman
"Rien qu'une larme dans tes yeux..." (air connu)

 

Disposant d'un budget très serré de 6 millions de dollars et d'à peine plus d'un mois de tournage, Christophe Gans a été contraint de se surpasser pour mener à bien son projet. Plusieurs séquences ont dû être abandonnées, notamment toutes celles qui devaient présenter les phases d'entraînement du Freeman (un passage long et important du manga). Ces différentes coupes inévitables ont évidemment nuit à la crédibilité du scénario (il semble difficile pour le spectateur de bien comprendre comment un simple potier parvient à devenir aussi rapidement ce tueur surpuissant). Christophe Gans a également dû beaucoup improviser. N'ayant pas les moyens d'engager de chorégraphe professionnel ou de coordinateur de cascades spécialisé, il devra de ce fait mettre au point lui-même toutes les scènes de combats et de fusillades du film ; largement aidé dans cet exercice par l'expérience solide de son acteur principal. La présence de Mark Dacascos (principal atout et attraction du film) au casting est donc, à plus d'un titre, ce qui explique la réussite de ce Crying Freeman. Son corps est un véritable objet de fascination et la déconcertante agilité avec laquelle il se meut est quasi hypnotisante (on a presque l'impression que le dragon tatoué sur son corps prend vie à chacun de ses mouvements). Les différentes scènes d'action du long-métrage sont d'ailleurs très soignées et – c'est suffisamment rare pour le préciser (à plus forte raison s'agissant d'un premier film) parfaitement lisibles. Bien sûr, certains trouveront que l'utilisation des ralentis est parfois un peu poussive, mais ça correspond assez bien à l'esprit des films hongkongais (notamment ceux de John Woo) dont Christophe Gans est un grand amateur et auxquels il rend ici un hommage sincère et touchant. Quoi qu'il en soit, pour une première réalisation, la qualité de la mise en scène (l'autre atout du film) reste fortement impressionnante.
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À ce propos, il est important de souligner le très grand soin esthétique apporté à Crying Freeman. De ce générique d'introduction particulièrement élégant (rappelant fortement le travail de Maurice Binder, et qui n'aurait d'ailleurs pas dépareillé dans un James Bond prenant place en Asie), à l'apparition de Yo dans la chambre à coucher de la belle Emu et son utilisation très pertinente du clair-obscur (le visage de la jeune femme étant comme illuminé par les lumières extérieures tandis que la pénombre semble complètement envahir le corps du tueur ; le contraste en étant que plus saisissant), en passant par ce flashback sublime où l'on voit le Freeman remplir son premier contrat un bouquet de fleur piégé à la main (avec cette image marquante, et très onirique, de ces deux corps enflammés évoluant au ralenti avec une partition flamboyante de Verdi pour accompagnement sonore). J'ai également été bluffé par la scène où le héros se laisse tomber du haut de la porte, avant de combattre ses ennemis dans le plus simple appareil. Si le design de son slip laisse à désirer (^__^), la performance technique de l'acteur reste intacte et illustre à la merveille le caractère implacable du Freeman. De façon général, le film donne l'impression que chaque cadre semble avoir été pensé comme un tableau, et chaque scène comme un opéra (l'influence de John Woo est une fois encore très palpable). L'ambiance l'emporte d'ailleurs bien souvent sur l'action. Crying Freeman est en effet étonnamment contemplatif et son rythme peu nerveux. Moins brutal et aussi moins explicitement sexuel que son modèle, le film de Christophe Gans surprend aussi par son caractère très romantique. Les scènes d'amour entre Yo et Emu sont certes un peu trop sages (j'irais même jusqu'à dire frustrantes), mais il se dégage malgré tout de ce film au charme délicieusement suranné une telle poésie que l'on finit quand même par se laisser charmer par cette histoire d'amour aussi crédible que touchante (à tel point que Julie Condra deviendra d'ailleurs la véritable femme dans la vie de Mark Dacascos).
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Et au final, même si le scénario aurait sans doute mérité plus d'approfondissement (une demi-heure de plus n'aurait sans doute pas été superflue), et que le caractère unidimensionnel de certains personnages reste regrettable (notamment Emu, un peu trop lisse par rapport au manga), on ne peut que saluer la performance de Christophe Gans compte-tenu des contraintes budgétaires qui étaient les siennes, tout comme le profond respect avec lequel il a rendu hommage à l'œuvre originale. Une intégrité artistique remarquable que l'on pourra encore apprécier lorsqu'il s'attellera, une dizaine d'années plus tard à l'adaptation du jeu-vidéo Silent Hill.

 
Pour voir d'autres chroniques de films : cliquez-ici

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O
<br /> Salut,<br /> <br /> <br /> Juste<br /> une petite précisions. Christophe Gans a réalise un film pour la fin de ses études IDHEC : SILVER SLIME que tu peux trouver en bonus caché dans le dvd de NECRONIOMICON. Film réussi et pur hommage<br /> aux giallos. Entre 1981 et 1994, il va poursuivre une carrière de journaliste, de rédacteur en chef en créant comme tu dis STARFIX mais aussi HK magazine avec ses VHS. C'est pendant cette période<br /> qu'il va rencontrer Samuel Hadida. Dans le premier numéro de Starfix, en couverture tu avais EVIL DEAD qui sera distribué par Metropolitan. il me semble que grâce à son métier de journaliste, il<br /> va pouvoir assister à des tournages, et apprendre peu à peu.<br /> <br /> <br /> Quand<br /> le NECROMICON est lancé, il n'avait quasiment aucune expérience de tournage. Ce sont les producteurs dont Bryan Yuzna, Samuel Hadida et surtout Taka Hichise qui vont lui faire confiance pour<br /> qu'il réalise son segement DROWNED. Devant un tournage difficile, il va signer un moyen-métrage réussi, sans hésité le plus beau des 3.<br /> <br /> <br /> Il<br /> me semble que pour CRYING FREEMAN, c'est l'un de ses amis basé à SAN FRANCISCO qui lui envoyer des cartons du manga en version originale. Je t'avoue que je n'ai pas lu le manga mais juste vu un<br /> ou 2 épisodes de la série animée. Tu as raison la ressemblance est frappante entre les comédiens et leur double animé. Même si  elle est plus<br /> explicite et pour les scènes de nudité et de sexe que le film comme tu dis.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Pour<br /> Mark Dacascos, c'est vrai que CRYING FREEMAN va vraiment faire de lui une vedette (son meilleur rôle avec Many du PACTE DES LOUPS). C'est dommage que l'acteur grancieux, souple, sympa ne trouve<br /> pas de rôles plus intéressants. Snif.<br /> <br /> <br /> DOUBLE<br /> DRAGON et KICKBOXER sont de super nanard mais bon. pas vu ONLY THE STRONG (banana Woué ?) .<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Tous<br /> les persos sont excellents. Byron Mann aussi. VF géniale.<br /> <br /> <br />   <br /> <br /> <br /> Peut-on<br /> considérer CRYIING FREEMAN comme la rencontre entre le cinéma d'orient et d'occident ?<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br /> De mémoire, je ne me souviens pas avoir des gunfights aussi bien chorégraphiées que celle des John Woo.<br /> <br /> <br /> <br /> Vivement le blu-ray ?<br />
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O
<br /> Salut,<br /> <br /> <br /> Juste<br /> une petite précisions. Christophe Gans a réalise un film pour la fin de ses études IDHEC : SILVER SLIME que tu peux trouver en bonus caché dans le dvd de NECRONIOMICON. Film réussi et pur hommage<br /> aux giallos. Entre 1981 et 1994, il va poursuivre une carrière de journaliste, de rédacteur en chef en créant comme tu dis STARFIX mais aussi HK magazine avec ses VHS. C'est pendant cette période<br /> qu'il va rencontrer Samuel Hadida. Dans le premier numéro de Starfix, en couverture tu avais EVIL DEAD qui sera distribué par Metropolitan. il me semble que grâce à son métier de journaliste, il<br /> va pouvoir assister à des tournages, et apprendre peu à peu.<br /> <br /> <br /> Quand<br /> le NECROMICON est lancé, il n'avait quasiment aucune expérience de tournage. Ce sont les producteurs dont Bryan Yuzna, Samuel Hadida et surtout Taka Hichise qui vont lui faire confiance pour<br /> qu'il réalise son segement DROWNED. Devant un tournage difficile, il va signer un moyen-métrage réussi, sans hésité le plus beau des 3.<br /> <br /> <br /> Il<br /> me semble que pour CRYING FREEMAN, c'est l'un de ses amis basé à SAN FRANCISCO qui lui envoyer des cartons du manga en version originale. Je t'avoue que je n'ai pas lu le manga mais juste vu un<br /> ou 2 épisodes de la série animée. Tu as raison la ressemblance est frappante entre les comédiens et leur double animé. Même si  elle est plus<br /> explicite et pour les scènes de nudité et de sexe que le film comme tu dis.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Pour<br /> Mark Dacascos, c'est vrai que CRYING FREEMAN va vraiment faire de lui une vedette (son meilleur rôle avec Many du PACTE DES LOUPS). C'est dommage que l'acteur grancieux, souple, sympa ne trouve<br /> pas de rôles plus intéressants. Snif.<br /> <br /> <br /> DOUBLE<br /> DRAGON et KICKBOXER sont de super nanard mais bon. pas vu ONLY THE STRONG (banana Woué ?) .<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Tous<br /> les persos sont excellents. Byron Maan aussi. VF géniale.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br />  Peut-on<br /> considérer CRYIING FREEMAN comme la rencontre entre le cinéma d'orient et d'occident ?<br /> <br /> <br />  <br /> De mémoire, je ne me souviens pas avoir des gunfights aussi bien chorégraphiées que celle des John Woo.<br /> <br /> <br /> <br /> Vivement le blu-ray ?<br />
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