10 Novembre 2009
Avant de devenir le réalisateur que l'on connaît aujourd'hui, Marc Esposito participe à la création du magazine Première en 1976 et en devient par la suite le rédacteur en chef. Après avoir quitter le prestigieux mensuel spécialiste du septième art, et avoir également participer à la fondation du non moins fameux Studio Magazine, Marc Esposito se retire du monde de la presse cinéphile en 1993 pour se consacrer à l'écriture et à la réalisation. Désormais, il ne sera donc plus celui qui juge le travail des autres, mais celui dont le travail est jugé. De fait, pour ce premier long métrage de fiction, le journaliste cinéphile a cherché à renouer avec le cinéma qu'il a tant aimé dans ses jeunes années, et notamment celui de Claude Sautet (Vincent, François, Paul et les autres) ou d'Yves Robert (Un éléphant, ça trompe énormément) comme il le reconnaît sans tabou ; même si l'on peut aussi légitimement songer à certaines comédies dramatiques de John Cassavetes (et en particulier à Husbands qui – avec la mort d'un proche comme préambule à la description d'une amitié masculine, avec ses incertitudes, ses remises en question et ses crises existentielles – dispose d'un postulat assez similaire). L'amitié, les rapports hommes/femmes et – plus que toute autre chose – l'amour sont donc bien évidemment au centre du film. Le Cœur des hommes évoque également les profonds changements qui se sont opérés quant au statut des hommes et des femmes durant ces trente dernières années, et surtout comment la gent masculine essaie tant bien que mal de s'habituer à cette situation inédite. Marc Esposito nous invite donc à suivre les déboires des quatre amis qui se connaissent depuis toujours, mais qui vont être confronté à une série d'évènements plus ou moins tragiques mettant à mal leur amitié avant, évidemment, de mieux la renforcer par la suite : mort d’un père, rencontre d’une nouvelle femme, femme trompée, femme infidèle, crise de la cinquantaine...
Au-delà du film en lui-même, ce sont effectivement et surtout les acteurs qui sont épatants, tant ils parviennent à rendre aussi réaliste et juste le destin de tous les personnages qui émaillent Le Cœur des hommes. Les femmes ne sont d'ailleurs pas en reste avec des actrices aussi ravissantes et talentueuses que Fabienne Babe, Ludmilla Mikaël, Zoé Félix, Catherine Wilkening ou encore Florence Thomassin. À la fois drôles, agaçantes et touchantes, elles incarnent avec conviction les différentes facettes de la femme moderne et offrent un bien joli contrepoids à ce cercle d'amis très masculins. Car, effectivement, ce sont ici surtout les hommes qui sont mis au premier plan par le réalisateur (avec raison cela dit, étant donné le sujet du film). On y découvre donc un Marc Lavoine incroyablement convaincant et qui fait preuve – mieux encore que dans le très oubliable Blanche de Bernie Bonvoisin – d'indéniables talents de comédien pour un rôle (que l'on jurerait écrit pour lui) qui lui permet d'exploiter au mieux son potentiel dramatique. Gérard Darmon quant à lui est, comme toujours, absolument exquis. Pour cet acteur au timbre de voix irrésistible, Le Cœur des hommes est l'occasion d'inonder l'écran de son incroyable charisme pour ce qui est incontestablement l'un de ces meilleurs rôles. Sans surprise également, Jean-Pierre Darroussin ne déçoit pas non plus dans ce personnage familier qui lui permet de renouer quelque peu avec le rôle d'homme désemparé (confronté à la difficulté des relations amoureuses et à l'importance de l'amitié pour les hommes) qu'il tenait dans l'attachant 15 août de Patrick Alessandrin ; son histoire est peut-être même celle qui m'a le plus touché. Pour finir de compléter cet excellent quatuor masculin, on retrouve enfin un Bernard Campan qui, film après film, ne cesse de nous surprendre par ses remarquables qualités de comédiens.
On se rappelle ainsi que l'ancien membre du célèbre trio comique Les Inconnus avait été nommé au César du meilleur acteur quelques temps avant pour le rôle qu'il incarnait dans Se souvenir des belles choses de Zabou Breitman.S'il mériterait tout autant d'être reconnu ici pour sa prestation d'acteur, il est important de noter que ses partenaires font jeu égal avec lui. Ce qui confère d'ailleurs au film de Marc Esposito une belle harmonie qui se ressent bien à l'écran. Et si la réalisation de celui-ci se montre parfois un brin trop sage il est vrai, et presque télévisuelle par moment (on pense notamment à ces nombreux gros plans sur les visages des personnages), cet apparent académisme se révèle finalement être un bon choix de mise en scène tant il permet aux acteurs d'exprimer librement une riche palette d'émotions. Moi qui avait failli louper Le Cœur des hommes au cinéma (la campagne de promotion m'avait semblé assez discrète et les critiques exagérément durs avec le premier film de leur ex-confrère), je ne regrette en tout cas pas le moins du monde d'avoir découvert sur grand écran ce que je tiens pour l'une des meilleures comédies françaises écrites ces dernières années sur l’amitié masculine (bien que j'aurais justement apprécié une bande-originale un peu plus "virile" par moment car, même s'il accompagne assez bien le film au final, cette avalanche de vieux standards larmoyants n'en reste pas pour le moins attendue). Néanmoins, que ces demoiselles se rassurent, Le Cœur des hommes leur plaira très certainement aussi tant les thèmes qu'ils abordent sont universels et donc prompts à toucher chacun d'entre nous (il est même à parier qu’à la fin de la séance beaucoup d’entre vous auront l’irrésistible envie d’aller boire quelques verres entre potes...). Quoi qu'il en soit, il serait donc vraiment dommage de se priver de ce premier film aussi enthousiasmant qui parvient avec autant de facilité à pénétrer le cœur des hommes, et celui de toutes celles qui partagent leur vie.
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