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LA SHINÉMATHÈQUE

LA SHINÉMATHÈQUE

« La connaissance s'accroît en la partageant. »

Diary of the Dead : Chroniques des morts-vivants

Réalisé par George A. Romero, sorti le 25 juin 2008
Titre original : Diary of the Dead


Avec Michelle Morgan, Shawn Roberts, Nick Alachiotis, Joshua Close, Joe Dinicol, Amy Ciupak Lalonde ...

"Des étudiants en cinéma tournent, dans une forêt, un film d'horreur à petit budget, lorsque la nouvelle tombe au journal télévisé : partout dans le pays, on signale des morts revenant à la vie. Témoins de massacres, de destructions et du chaos ambiant, ils choisissent alors de braquer leurs caméras sur les zombies et les horreurs bien réelles auxquels ils sont confrontés afin de laisser un témoignage de cette nuit où tout a changé."



Mon avis (bien) :




Il n'est plus vraiment utile de présenter George A. Romero et sa saga ayant les morts-vivants pour thématique. Véritable initiateur du genre avec
La Nuit des morts-vivants en 1968, il semble s'être originellement pas mal appuyé sur le roman désespéré Je suis une Légende du géant Richard Matheson, avant d'élaborer peu à peu son propre univers. Diary of the Dead : Chroniques des morts-vivants est ainsi le cinquième film de la saga. Il n'est toutefois pas nécessaire d'avoir vu les précédents pour appréhender celui-ci (même si je vous le recommande chaudement) ; l'histoire ne se "suit" pas vraiment, même si on retrouve des similitudes entre les différents films. Ainsi, le premier volet (Night of the Living Dead : La Nuit des morts-vivants) se concentrait sur un petit groupe d'individus réfugiés dans une baraque isolée, le second (Dawn of the Dead : L'Aube des morts, connu en Europe sous le nom Zombie : Le Crépuscule des morts-vivants) montrait la propagation de l'invasion zombie, le troisième (Day of the Dead : Le Jour des morts-vivants) s'intéressait à la tentative de domestication des zombies par les survivants humains et, pour finir, le quatrième film (Land of the Dead : Le Territoire des morts) décrivait l'évolution "sociale" prochaine des zombies dans un futur proche et leur révolte contres les derniers représentants de l'espèce humaine ; les personnages étant à chaque fois différents. Bien entendu, je ne m'intéresse ici qu'à l'histoire sans m'arrêter sur les à-cotés de la saga, en fait son essence (dénonciation de la xénophobie, du consumérisme ou encore du tout -sécuritaire).  Quant à ce nouvel opus, même si on y retrouve les zombies, la chronologie ne me semble pas aussi claire et je ne saurais comment l'insérer véritablement entre les autres films de la saga. Il s'agit à la fois d'une suite, d'un renouveau et d'un condensé de ce qui a été abordé auparavant par le maître du genre. Et même si je doute que Romero abandonne de suite ses zombies chéris, ce film ferait une conclusion tout à fait logique.

Pour être honnête, je n'avais pas gardé un très bon souvenir du dernier volet, Land of the Dead, à l'inverse des deux premiers films de la saga (je me rappelais en revanche très bien de la sexuelle Asia Argento... ^__^).
Ayant vu à l'époque coup sur coup 28 jours plus tard, Shaun of the Dead, L'Armée des morts (tous excellents), puis Land of the Dead, j'imagine que la grande qualité des autres films cités que j'ai vu avant a grandement portée préjudice à ma vision du film de Romero. Bien sûr, comme je n'ai vu qu'une seule fois chaque film de la saga, il est évident qu'il faut que je m'y remette sérieusement. De fait, ayant revu  Land of the Dead récemment, je l'ai trouvé bien meilleur que dans mon souvenir, et plutôt bon même (avec une fin pas si mal, après coup). Il faut croire que les films de Romero doivent se voir plusieurs fois pour en apprécier toutes les qualités. Bref, je vais garder cette réflexion en tête pendant que je m'efforce de parler de mon ressenti concernant le dernier film en date : Diary of the Dead : Chroniques des morts-vivants.
    
Tourné en une durée record (23 jours !), ce nouveau film est assez déstabilisant et finalement pas si évident qu'il n'y paraît à appréhender. Tout d'abord, il est utile de parler un peu de la forme. À l'instar des récents
Cloverfield et [REC], le film de George A. Romero est présenté sous forme de séquences tournées "caméra embarquée". Pas plus que Jaume Balaguero et Paco Plaza peuvent être suspectés d'avoir copiés le concept de Matt Reeves, le réalisateur italien semble avoir eu la même idée que ses collègues au même moment ; le tournage de son film était effectivement bouclé avant que les films en question ne sortent. Toutefois, il convient surtout de préciser un détail qui a son importance. Si Cloverfield et [REC] prennent le parti de ne proposer au spectateur le point de vue que d'un seul individu, ou plus exactement d'une seule caméra, Diary of the Dead multiplie au contraire les points de vue et les sources d'images. Caméras à l'épaule multiples, téléphones portables, vidéos de surveillance, archives Internet, reportages télévisés...  En ne proposant pas le point de vue d'une seule caméra, Romero s'éloigne volontairement de l'aspect immersif pour se concentrer sur le message qu'il cherche à véhiculer. Voici donc le récit mis en scène par Romero (et non pas faussement par un acteur du film) d'une apprentie réalisatrice qui va utiliser tous les "véritables" témoignages filmés par des amateurs d'un phénomène extraordinaire, que les médias traditionnels arrangent allègrement à leur sauce (comme le démontre ce caméo où le réalisateur, grimé en policier, tente de minimiser la portée des évènements), pour nous montrer sa vérité, celle qu'elle estime la plus proche de la réalité.

http://a69.g.akamai.net/n/69/10688/v1/img5.allocine.fr/acmedia/rsz/434/x/x/x/medias/nmedia/18/63/78/88/18893346.jpgContrairement aux apparences, Michael Jackson ne joue pas dans ce film...

Le procédé est alambiqué, et parfois un peu casse-gueule, mais ne manque pas d'audace. Ainsi, si les contre-sens ne sont pas évités (on se demande comment certaines scènes ont pu être filmées ou même comment la réalisatrice a pu récupérer toutes ses bandes), Romero s'en sort rapidement grâce à la distance qu'il prend par rapport à son sujet. En faisant référence au fameux canular radiophonique d'Orson Welles en 1938 où celui-ci avait réussi à faire gober à ses auditeurs que l'Amérique était envahie par des martiens, le cinéaste oriente visiblement son film vers le pastiche. Le tournage d'un mauvais film d'horreur (bourré de clichés) à l'intérieur de son film illustre bien cette idée de parodie. D'ailleurs, on retrouve, à peu de chose près, une scène similaire au début et à la fin du film. Comble du burlesque, la réalité semble alors complètement dépasser la fiction (les protagonistes de l'histoire agissant alors de façon aussi douteuse et caricaturale que les personnages fictifs du film d'horreur stéréotypé pour ados qu'ils tournaient au début). Ce qui semblait aussi surréaliste que "La Guerre des Mondes" à la sauce Welles est train de se passer, et le monde de sombrer dans une infinie folie. Ce parallèle absurde est vraiment bien exploité.

N'oubliant pas de nous questionner sur notre société, comme à son habitude, Romero livre ici une critique intéressante du cinéma de genre et de ce qu'il est devenu. Souvent crétin avec des personnages aussi formatés que ceux de son film (la blonde stupide, le richard abruti, le geek, le professeur alcoolique...), le genre ne ressemble plus la plupart du temps qu'à une parodie de lui-même... alors pourquoi ne pas pousser le bouchon un peu plus loin ? Je ne suis pas surpris que Romero ait adoré, avec raison, Shaun of the Dead qui avait réussi le pari difficile d'être à la fois irrévérencieux au genre et très respectueux de ces codes ; en conservant, par exemple, l'idée que les morts-vivants ne puissent pas courir (ce que Romero explique ici, non sans humour, par le biais d'un des protagonistes du film).
Ici aussi, on rigole souvent grâce au second degré assumé d'un film éminemment auto-parodique. Et, à ne pas en douter, l'Amish sourd simplet restera dans les mémoires aussi sûrement que le plouc au fusil amélioré du déjanté Undead !

Et puis, si le film n'évite pas quelques maladresses (comme la séquence pas très logique où un zombie passe soudainement devant la caméra du héros sans l'attaquer, préférant s'en prendre aux autres), il fourmille d'idées formidables comme la dernière partie jubilatoire rappelant fortement le jeu-vidéo Resident Evil avec son manoir baroque et ses caméras planquées dans les coins (la séquence dans l'hôpital au début du film rappelle aussi sa suite vidéoludique). Et c'est dans ces moments-là qu'on se dit que, transposée au cinéma par Romero, cette saga aurait pu donner quelque chose de bien plus grand que le divertissement sans âme de Paul W.S. Anderson... Surtout,  la conclusion, nihiliste au possible, expose une mise en abyme formidablement ironique et plutôt jubilatoire.
Attention, je dévoile la fin du film (il vous suffit de surligner le texte pour le faire apparaître) : < Début > Enfermés dans une pièce de survie blindée aux murs bardés d'écrans retranscrivant ce qui se passe à l'extérieur, nous assistons aux derniers instants (je le suppose, car je les imagine mal s'en sortir) des ultimes survivants du film. Devenus les témoins forcés de la fin de l'humanité, ils deviennent alors spectateurs au moment même où Romero nous sollicite directement avec la dernière réflexion du film (méritons-nous d'être sauver ?) ; nous questionnant sur notre statut de spectateur passif d'un monde sombrant dans la folie. Brillant. < Fin > D'ailleurs, et la différence de l'épisode précédent qui donnait plus de place à l'espérance, il ne semble y avoir aucun échappatoire dans ce film. À partir du moment où on meurt, on devient zombie et aucune partie du globe n'est épargnée. Nul besoin de morsure, l'invasion est totale (ce qui est d'autant plus effrayant à mon avis). Romero reste ainsi complètement fidèle à l'accroche de son Zombie : "Quand il n'y a plus de place en enfer, les morts reviennent sur Terre". C'est pourquoi l'invasion grossit aussi vite à mesure que les morts s'amoncellent et se réveillent. Dérive scientifique ? Vengeance divine ? Malin, Romero ne donne évidemment aucune explication.

http://a69.g.akamai.net/n/69/10688/v1/img5.allocine.fr/acmedia/rsz/434/x/x/x/medias/nmedia/18/63/78/88/18893347.jpg... Steven Seagal non  plus !

Ce qui est un peu discutable en revanche, c'est le parti pris de Romero, non pas concernant l'aspect "caméra embarquée", mais plutôt rapport à ce "film" que l'héroïne veut nous montrer pour nous faire peur. Dans le cinéma de Romero, la véritable peur ne se situe pas sur le superficiel instantané (créé aux moyens de ficelles sonores et visuelles), mais davantage au niveau philosophique, par les réflexions pessimistes sur l'homme et la société contemporaine qu'il soulève. C'est encore le cas ici et on ne "flippe" pas vraiment (comprenez : il n'est pas aussi riche en sensations qu'un The Descent ou un [REC] si vous préférez). Attendre du sensationnel ici alors qu'il faut chercher du sens apparait donc comme totalement hors de propos. Il est d'autant plus étrange alors que la réalisatrice argue vouloir nous faire "peur" de façon aussi artificielle ; même si tout cela a un sens. Néanmoins, que les amateurs d'horreur se rassure, Romero nous gâte quand même avec de belles mises à mort de zombies (il faut bien qu'il y ait un peu de gore) – ma préférée étant celle avec le pot d'acide – et des séquences assez mémorable – je ne citerai que celle de la piscine où les zombies ont été "piégés" comme dans un tombeau aquatique.

Pour en revenir au film "réalisé" par l'héroïne,
la création de ce film d'horreur typique utilisant "véritables" images me semble effectivement avoir un résultat assez douteux, mais certainement voulu par le réalisateur. Là encore, si le film effraie par ce qu'il suppose, il ne fait aucunement peur par ce qu'il montre. Les ajouts de musiques angoissantes et les astuces traditionnelles du cinéma d'horreur utilisés par l'héroïne sont donc tout à fait artificiels et même inutiles. Pire encore, en agissant ainsi, elle déforme cette réalité qu'elle cherche à nous montrer. Il ne s'agit donc plus de la réalité, mais bien de sa réalité. Mais comment pourrait-il en être autrement ?  Sa mise en scène, c'est son point de vue, et uniquement le sien. À l'instar de l'héroïne, chacun part du principe qu'il a raison et qu'il détient la vérité et, alors que l'information n'a jamais autant été accessible qu'aujourd'hui, il devient de plus en plus difficile de démêler le vrai du faux, la vérité du mensonge. L'information, modelée, altérée et galopante, nous contamine bien plus vite que l'invasion zombie. En questionnant sur la forme, Romero soulève donc une véritable réflexion de fond.

Si le réalisateur n'épargne pas donc les médias avides de sensationnel, et qui ne se gênent pas pour modeler l'information à leur convenance, il pose également un regard critique sur nos instincts voyeurs et notre passivité citoyenne. Ainsi, l'un des personnages mentionne la curiosité morbide qui pousse le badaud que nous sommes à regarder les séquelles d'un accident sans pour autant apporter son secours. Il y aura d'ailleurs à un moment un joli parallèle dans le film lorsque les héros percuteront des zombies... ou peut-être des humains. Finalement, quelle importance ? L'humanité, si elle veut s'en sortir, va devoir se bouger un peu plus le cul... Le message est clair. Tellement que clair que
le procédé de la voix-off, très mal exploité en plus, apparait comme vraiment pesant et rapidement lourd. À expliquer chaque scène et à ressasser certaines phrases lourdement, celle-ci donne la désagréable impression que le cinéaste n'estime pas le spectateur suffisamment averti pour comprendre tout seul comme un grand le message du film. Si l'implication introspective du spectateur n'a jamais été absente des films du maîtres, elle n'a rarement été aussi maladroite et peu subtile.

Et au final, si
Diary of the Dead : Chroniques des morts-vivants demeure une expérience intéressante et assez ambitieuse, il est tout de même dommage d'y trouver quelques maladresses surprenantes de la part de Romero ; dont la plus regrettable est assurément cette insupportable voix-off mâchant inutilement le travail du spectateur qui n'en demandait pas tant.  Bancale, maladroite, laborieuse, cette œuvre crépusculaire n'est pas mauvaise. Elle est juste imparfaite et ne parvient malheureusement pas à atteindre vraiment le niveau d'excellence de ces prédécesseurs (ce qui est regrettable, si on considère le potentiel formidable du film). Pour les fidèles de la VO, sachez  enfin que les réalisateurs Wes Craven, Guillermo Del Toro, Quentin Tarantino, le romancier Stephen King et que l'excellent Simon Pegg (Shaun of the Dead) prêtent leurs voix aux commentaires des journaux télévisés. Pour une fois, il serait dommage de s'en priver...

Pour voir d'autres chroniques de films : cliquez-ici

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V
<br /> <br /> Déçu par ce film... C'est même pas le fait que ce soit caméra à l'épaule c'est juste que je trouve que ca manque de profondeur et que tout est betement étalé sur la table. C'est dommage car juste<br /> avant je m'étais maté land of the dead qui m'avais beaucoup plus plu ;)<br /> <br /> <br /> <br />
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S
Pas désagréable dans l'ensemble, mais force est d'admettre que... ben c'est du Romero et que ça n'a pas beaucoup évolué autant dans le sens que dans la technique (bien que ta remarques sur la démarche auto-parodique me semble très juste et intéressante).<br /> <br /> Le coup de la voix-off est une maladresse impardonnable, comme tu as pu le signaler. Et le message perd de plus en plus en pertinence.<br /> <br /> Toutefois, on regagne selon moi du niveau par rapport à Land of the Dead. Et puis bon, entendre une étude de chopin dans un film de zombie me fait assez kiffer pour fermer les yeux sur les quelques imperfections franchement lourdes qui agrémentent le tout.
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G
Je n'ai qu'une seule chose a dire a propos de ce film : George , il est temps de penser a la retraite !<br /> <br /> Aprés le trés moyen Land of the dead ( qui comporte certes quelques passages absolument cultissimes comme les zombies sous l'eau . ) , Papi Romero tente de rester in ze groove en distillant un bon gros message anti internet / domination / addictions aux médias modernes ...<br /> <br /> Le film est soporifique au possible avec des personnages stéréotypés ( kikoo le vieux prof alcolo qui se transforme en Rambo avec son arc !!! ) et inintéressants , l'hisoire ben tout le monde la connait , y'a plus aucun effet de surprise malgrés deux scénes imparables ( le clown et Samuel l'Amish ) .<br /> <br /> L'hommage au manoir de Resident Evil est certes plaisant ( la ' gameuse ' que je suis a apprécié le clin d'oeil ) mais ça ne suffit pas a sauver ce naufrage zombiesque , George pitié , arrête avec les morts vivants , passe a autre chose , ta cultissime trilogie se suffisait a elle même !!!
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Q
J'ai adoré, le final est superbe, la suite annoncée m'inquiète un peu mais j'espère qu'elle sera à la hauteur de celui-ci
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K
Salut!!<br /> <br /> Merci por tes commentaires sur le cinoche des cancres, bon le blog est un peu mort ces derniers temps mais merci quand meme.<br /> felicitations pour ce blog ma foi fort interessant et carrement bien ecrit (rare pour un blog)<br /> <br /> Bravo et a bientot
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