8 Juin 2008
Réalisé par Jaume Balagueró et Paco Plaza, sorti le 23 avril 2008
Avec Manuela Velasco, Ferran Terraza, Jorge Yamam, Carlos Lasarte, Pablo Rosso, David Vert ...
"Angéla (Manuela Velasco) est journaliste pour une télévision locale. Accompagnée de son caméraman, elle relate le quotidien de ceux qui travaillent la nuit. Ce soir, elle est dans une caserne de pompiers. La nuit est calme, aucune urgence. Jusqu'au coup de fil d'une vieille dame qui réclame du secours. Le tandem suit les pompiers et découvre en arrivant sur place des voisins très inquiets. D'horribles cris ont été entendus dans l'appartement de la vieille dame. Angéla perçoit la tension des habitants, son reportage devrait enfin sortir de la routine... Elle n'imagine pas à quel point !"
Le cinéma de genre hispanique se porte très bien. Qu'il s'agisse d'Alex De La Iglesia (Action mutante, Le jour de la bête, La chambre de l'enfant), de Guillermo Del Toro (Cronos, L'échine du Diable, Le Labyrinthe de Pan) ou encore d'Alejandro Amenábar (Tesis, Ouvre les yeux, Les Autres), le cinéma de genre hispanique se porte très bien (bien mieux que le nôtre, ce qui n'est pas bien difficile). Et puis bien sûr, il y a aussi Jaume Balagueró, un des maîtres du genre, à qui on doit des films aussi effrayants que La secte sans nom, Darkness ou encore Fragile (et qui feront bien entendu prochainement l'objet de chroniques sur ce blog). Alors bien sûr, quand un nouveau film de ce prodige espagnol sort, ça ne peut qu'attirer l'attention de tout aficionado du genre qui se respecte ; et d'autant plus lorsque celui-ci est précédé d'une réputation fortement élogieuse qui en fait la nouvelle référence du genre après Le projet Blair Witch de Daniel Myrick & Eduardo Sánchez ou encore Ring de Hideo Nakata, rien que ça. Avec tout ça, on s'attendrait presque à un film de la trempe de The Descent, 28 jours plus tard ou encore 2 sœurs. Le "presque" n'est hélas pas superflu car, si le film possède un certain nombre de qualités indéniables qui en font un divertissement efficace, il est grandement pénalisé par des grosses maladresses surprenantes de la part d'un réalisateur de la trempe de Jaume Balaguero (je ne connaissais pas Paco Plaza avant cela).
Comme je le soulignais, [REC] n'est pas un mauvais film en soi. Seulement, les réalisateurs jouent trop souvent sur deux tableaux à la fois et en oublient l'essentiel : la peur. Du coup, on s'interroge sur l'intérêt véritable de ce choix de mise en scène. À savoir : montrer un évènement fantastique à travers le témoignage d'une vidéo (à l'instar de Cloverfield) et non plus dans le cadre d'une narration conventionnelle. Était-ce vraiment utile ? J'y reviendrais plus tard. [REC] commence donc de façon très analogue au film de Matt Reeves. Il prend le temps de poser son histoire, de l'ancrer dans un quotidien banal. Ainsi, à la fête de préambule de Cloverfield se substitue ici une description très basique d'une caserne de pompiers. Il ne se passe pas grand chose et tout ça n'est pas très palpitant. On pourrait critiquer ce manque de rythme dans la première partie autant que dans le film de Matt Reeves. Pourtant, et au contraire même, je trouve une telle introduction assez intéressante car elle permet au spectateur une meilleure immersion dans cette supposée réalité (en montrant des images somme toute "normales") avant de le plonger dans l'horreur. Horreur qui interviendra très peu de temps après que les protagonistes de l'histoire pénètrent dans l'immeuble qui servira de décor au reste du film. Là encore, il s'agit surtout d'augmenter le réalisme des images, et en aucun cas leur crédibilité. Le film de Jaume Balagueró et Paco Plaza s'éloigne ensuite grandement de celui de Matt Reeves ; la liberté illusoire offerte par un New-York dévasté est ainsi remplacée par un confinement inexorable dans un immeuble espagnol.
Tout comme l'aurait fait une adaptation digne de ce nom de Resident Evil, le film piège ainsi les personnages dans un huis clos horrifique duquel on ne peut échapper. De ce fait, une double menace pèse sur ceux-ci. À l'intérieur de l'immeuble, une étrange infection semble transformer les humains en espèce de zombies. À l'extérieur, une puissance invisible (essentiellement matérialisée par des spots lumineux et des messages via hauts-parleurs) les empêche de sortir. On ne sait donc ni comment on en est arrivé là dans l'immeuble, ni pourquoi les autorités (étrangement menaçantes envers ceux qui tentent de quitter les lieux) ont isolé le bâtiment de la sorte. Tout cela est plutôt habilement amené. Peu de choses sont expliquées et la situation présentée est prometteuse. La seule certitude semble être le fait qu'il n'y aura pas d'échappatoire. Petit plus appréciable, certains passages sont vraiment saisissants ; à l'image de celui où les projecteurs passent au travers les bâches scellant les fenêtres dans une étrange luminosité quasi-obscure. Dans ces moments-là, on peut véritablement apprécier le travail qui a été fait sur la photographie.
D'ailleurs, l'atmosphère du film est très soignée (on n'en attentait pas moins avec Jaume Balagueró aux commandes) et celui-ci profite ainsi de bon nombre de plans remarquables ; la scène de l'autopsie étant effectivement très efficace, tout comme la séquence finale extrêmement éprouvante. Cependant, si la forme est globalement réussie, le fond est déjà plus discutable. En effet, les personnages du film, tout comme sa trame scénaristique, vont s'avérer d'un classicisme affligeant. Malgré une tension réelle lors des moments "forts" du film, celui-ci perd en effet largement de sa superbe le reste du temps tant les deux réalisateurs s'évertuent à offrir un spectacle tristement conventionnel.
Premier poncif dans lequel ils tombent lamentablement : les personnages font extrêmement clichés. Ainsi, le pompier courageux va rapidement s'imposer comme meneur, le flic flippé réagira comme un abruti, le médecin pragmatique sera victime de son art, la mère de famille va nous jouer le remake de "jamais sans ma fille", la gamine blonde toute mignonne (toute droite issue de La Nuit des morts-vivants de George A. Romero) cachera forcément quelque chose, le couple de vieux sera complètement gâteux, les chinois (dont seule la mère a une vraie substance, à tel point qu'on ne sait même pas ce qu'il advient d'eux à la fin) seront blanchisseurs, le vieux gay cancanier sera plus maniéré que jamais et cætera. À la limite, ça aurait pu passer s'il n'y avait pas eu ce long passage où les journalistes s'entretiennent lourdement avec les habitants de l'immeuble. Cette séquence, franchement dispensable et laborieuse, ne fait que renforcer le manque d'authenticité de ce simulacre métissé. Les personnages sont alors représentés dans toute leur inconsistance caricaturale. Mais, ce qui est pire encore c'est que cette séquence casse complètement le rythme du film et atténue grandement le sentiment d'immersion qui avait pourtant été assez bien mis en place jusque-là par les réalisateurs. Dès lors, on se sent davantage spectateur d'un film d'horreur basique (et balisé) que témoin d'un évènement horrible immortalisé par une caméra embarquée. Ce n'est pas désagréable en soi, mais l'expérience devient alors franchement moins intéressante.
Et évidemment, il y a l'héroïne, forcément mignonne et qui aborde un joli T-shirt moulant (on s'attache moins aux moches mal fagotées, bizarrement...). Celle-ci est également bourré de clichés et se comporte également comme une véritable caricature de film d'horreur. Si on laisse de côté l’aspect "cinéma-vérité" du film, c'est assez frappant. Autant par ses cris, ses gesticulations que ses réactions stupides (comme descendre un immeuble entier infesté de zombis pour aller trouver sur une boîte à lettres l'information qu'elle avait déjà à sa disposition, sur la bande vidéo de la caméra, celle qui lui a précisément servie à interviewer les gens de l'immeuble), le personnage va ainsi se révéler dramatiquement prévisible. Mais, bon comme elle est très jolie et qu'elle transpire beaucoup à travers son T-Shirt moulant, ça passe ! ^__^ Du coup, [REC] épouse une structure narrative très classique et les passages obligés du film de zombies traditionnel ne sont malheureusement pas évités. On n'échappera donc pas au salopard de service qui ne pense qu'à sauver sa gueule, ni au malade alité qu'il faut aller chercher à l'autre bout de l'immeuble, ni au sacrifice héroïque qui permet le salut de l'héroïne, ni à la personne infectée s'isolant des autres pour ne pas les contaminer... D'autant que, exception faite de celui incarnant le pompier chauve mis à part, les acteurs ne sont pas globalement pas très convaincants non plus. Ce qui n'aide pas.
Pas insupportable en soi, le déroulement ultra-convenu du film surprendra donc rarement l'habitué du genre (qui aura déjà vu les classiques de George A. Romero avant cela) ; difficile alors de sursauter lorsque la gamine sautera au coup de l'imprudent s'étant approché trop près. Le film comporte tout de même quelques bonnes idées ; la chute radicale du pompier dans la première partie en étant l'un des meilleurs exemples. Enfin, volontairement ou non, [REC] est assorti d'un second degré (dont l'hilarant coup de barre de fer dans la tronche de la vieille, au look honteusement piqué à celle de L'Armée des morts de Zack Snyder, est l'exemple le plus "frappant" ^__^) qui pénalise plus encore le côté effrayant du film. Doit-il nous amuser ? Nous effrayer ? On ne sait plus. Et on se demande alors d'autant plus ce qu'apporte la caméra embarquée au film. Même si elle renforce l'immersion, l'humour crée une distance trop importante. Et puis comment y croire quand les réalisateurs font une boulette aussi énorme qu'un rembobinage douteux de la bande vidéo par le caméraman en plein milieu du film ? Sommes nous-censés être spectateurs ou acteurs de leur histoire ? Tout ceci n'est pas très clair, et l'immersion désirée est définitivement caduque. On est alors bien loin du sentiment de malaise d'un Projet Blair Witch ou de l'expérience viscérale d'un Cloverfield. Et on regrette vraiment que Jaume Balaguero et Paco Plaza n'aient pas mieux exploité leur parti pris formel, en délaissant les codes du genre, pour nous emmener vers un truc bien plus expérimental ; ce dont Jaume Balagueró était largement capable selon moi.
Toutefois, la faute de goût la plus flagrante demeure la désastreuse conclusion du film. La séquence en infra-rouge est assez bien exploitée et participe à instaurer une certaine terreur : d'une part, car ce que l'on aperçoit à travers son objectif est flou et déformé ; d'autre part, parce qu'elle met en évidence le désespoir du personnage pour qui elle est alors un véritable objet de survie. Ce qui, pour le coup, fonctionne assez bien (surtout que le monstre est aperçu juste ce qu'il faut pour être terrifiant). Malheureusement, les réalisateurs n'ont pas pu s’empêcher de donner une explication ésotérique pathétique, ratée, inutile et lourde. Les voix enregistrées, les coupures de journaux aux murs, l'ambiance façon L'Exorciste, le décor de schizo à la Se7en et la nature même de cette explication... c'est franchement too much.
Au final, pas aussi drôle qu'un Shaun of the Dead, pas autant jubilatoire qu'un L'Armée des morts et moins désespéré qu'un 28 semaines plus tard, [REC] est un film bancal qui manque surtout d'ambition et reste trop souvent à cheval entre l'horreur pure et la force horrifique (son plus gros défaut assurément). Clairement moins bon que le reste de la filmographie de Jaume Balaguero, il demeure néanmoins assez divertissant si on passe outre ses maladresses et reste quoi qu'il en soit bien meilleur que la majorité des films du genre. Finalement, si je je suis si dur avec ce film, c'est surtout parce que j'affectionne beaucoup le cinéma de Jaume Balagueró. Et c'est pourquoi j'en attendais plus. Peut-être trop ? Faut croire que, quand on est énormément déçu par ce que d'habitude on aime, ça passe mal...
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